Chapitre 10
Intervention nocturne
Une semaine que Wood avait été mis au courant de l'existence de la Milice par AxeMan. Une semaine qu'il avait été mis au courant que Ford se doutait de quelque chose à cause de AxeMan. Il s'était demandé pourquoi Ford n'avait pas dit directement au Saigneur que les Gardiens étaient chargés de protéger le Temple, ce à quoi AxeMan lui avait expliqué ce en quoi consistait le Serment des Consuls.
- Les Consuls ne peuvent pas parler des mesures mises en place pour leur propre protection, lui avait-il expliqué. Ils doivent le promettre et cela est assuré magiquement par la suite. Ils peuvent seulement en parler entre eux ou avec ceux qui ont pour mission cette protection. Ford ne peut pas, même s'il le voulait, expliquer la nature des Gardiens à la Milice. Mais, par contre, il peut leur demander d'en apprendre plus par eux-mêmes.
Toujours était-il qu'il était arrivé dans l'Empire à peine plus de deux mois auparavant et qu'il se retrouvait pris dans une sombre affaire d'intrigue de pouvoir... Et il ignorait ce qu'il convenait de faire. Il était tenté de partir, il ne pouvait pas se le cacher, mais pour une raison qu'il ne pouvait s'expliquer, il n'en avait pas vraiment envie.
Il fut tiré de ses réflexions lorsque la porte du Dôme s'ouvrit. Il leva la tête depuis le coin sombre où il était posté pour regarder qui venait d'entrer. Il reconnut l'homme de petite taille comme le marchand d'animaux magiques dont AxeMan lui avait parlé et qui faisait, d'après lui, partie de la Milice. Il l'observa passer entre les lecteurs en cherchant manifestement quelqu'un autour de lui. Cela serait assez étonnant que deux Miliciens choisissent de faire une réunion dans le Dôme alors qu'il était sous la surveillance des Gardiens et que les premiers avaient des doutes sur ces derniers... Mais il fut encore plus étonné quand l'homme se dirigea vers lui après l'avoir aperçu.
- Excusez-moi ? demanda l'homme à voix basse.
- Quoi ? répondit Wood.
- J'irai droit au but. Il parait que vous avez eu une discussion il y a une semaine à la taverne avec un de vos collègues. Un certain AxeMan, me semble-t-il.
Il s'arrêta un instant dans l'espoir, sûrement, d'obtenir confirmation. Celle-ci ne vint pas, Wood étant resté silencieux.
- La demande de ceux qui m'envoient est simple, reprit l'homme. Ils veulent que vous nous transmettiez le contenu de votre discussion.
Nouvelle pause. Toujours aucune réponse.
- Il est bien entendu que, si vous nous la donniez, vous avez notre assurance que, au moment décisif, vous ne courrez aucun problème. Et peut-être même qu'une nouvelle amitié sera possible.
Une nouvelle pause. Wood ne répondit toujours pas.
- Le problème, je me doute, est de trahir votre serment. Mais à à peine plus de deux mois de votre entrée, je ne pense pas que vous soyez lié de manière permanente à vos collègues. Quelque soit la manière dont ceux-ci vous ont parlé de nous, il vaut mieux faire partie du camp vainqueur à la fin, n'est-ce pas ?
- Monsieur, finit par dire Wood, je sais que la manière dont je me tiens dans l'ombre me donne des airs de conspirateur, mais vous savez ce que l'on dit ? Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Et je vous demanderais donc de me laisser tranquille.
- Bien sûr, reprit l'autre. Mais si vous veniez à changer d'avis, un simple souvenir dans une bouteille de verre, dans le trou du plancher de la cabane qui se trouve au pied de la falaise, à l'arrivée de la route au bas de celle-ci fera l'affaire.
Et il s'en alla. Wood le suivit des yeux tandis qu'il se dirigeait vers la sortie. Il ne semblait pas particulièrement mal à l'aise. Pas sûr de lui, non plus. Toujours était-il qu'il venait de proposer à Wood de trahir les Gardiens... mais il était quand même étrange qu'il sache ne serait-ce que le fait qu'il ait eu une discussion avec AxeMan...
D'ailleurs, en parlant du loup... alors que le marchand d'animaux sortait du Dôme, AxeMan entra, s'arrêtant quelques instants pour observer, l’air surpris, l'homme qui s'en allait. Puis il entra en fermant la porte derrière lui et se dirigea directement vers Wood.
- Qu'est-ce qu'il voulait ? demanda-t-il directement.
- On verra ça ailleurs, répondit Wood.
- Très bien, répondit AxeMan en hochant la tête. Sinon, ce soir, rendez-vous à la tombée de la nuit dans le quartier nord, rue de la salamandre. Et emporte la cape noire.
Il regarda autour de lui rapidement.
- Et pas un mot de ça à qui que ce soit, ajouta-t-il à voix basse.
- D'accord.
AxeMan hochant légèrement la tête puis repartit. Il semblait donc qu'il y ait une intervention nocturne. Wood n'y avait jamais participé et la seule dont il avait été témoin remontait à avant son entrée chez les Gardiens. Il fallait voir ce que ça donnait... et, en ça, il eut des surprises, mais pas toujours bonnes.
Il se rendit à l'heure dite dans le quartier résidentiel. La nuit tombait rapidement. A l'entrée de la rue, il croisa AxeMan. Celui-ci ne lui dit rien mais lui fit signe de le suivre. Ils allèrent ainsi dans une ruelle sombre et attendirent, cape noire et capuches relevées. Ils attendirent pendant de longues minutes pendant lesquelles Wood se demanda ce qu'ils attendaient exactement. Sûrement une attaque de la Milice, mais...
Il vit alors passer un couple. AxeMan, qui était resté immobile jusque là, se mit à regarder le long de la rue principale. Wood l'imita et vit arriver un groupe de quatre hommes qui rejoignirent le couple.
- Excusez-moi, dit l'un des quatre.
Wood reconnut la voix comme étant celle du policier dont il avait perturbé les plans, quelques mois plus tôt. Le couple s'arrêta.
- Oui ? demanda l'homme.
- Il fallait que je vous parle.
L'homme ne répondit pas tout de suite. Il sembla tenter de voir s'il connaissait la personne qui l'abordait. La nuit était d'un noir d'encre et sa tâche n'en était pas facilitée.
- Ah, c'est vous, répondit-il enfin. Qu'est-ce que vous voulez ?
- Bonne question, dit le policier. Qu'est-ce qu'on veut, exactement, les gars ? ajouta-t-il en se retournant vers le groupe.
Il n'y eut pas de réponse précise, juste un échange de rires qui résonnèrent étrangement et longuement dans l’obscurité. Wood pouvait deviner, aux légers mouvements du couple, qu'il était mal à l'aise. Puis, finalement, le policier s'intéressa de nouveau à eux. L'obscurité l'empêchait de distinguer avec précision, mais il sembla à Wood que le policier montrait la femme...
- Elle, dit-il.
- Pardon ? Je ne comprends pas ce que--
Un jet de lumière rouge apparut et disparut brusquement. L'homme s'écroula sur le sol.
- Après tout, ce n'est pas comme si je vous demandais l'autorisation.
De ce que Wood distingua, la femme ne chercha pas à s'enfuir ou à crier. Probablement un sort de Silence...
- Allez, beauté, dit le policier. On va chez toi.
Tandis que le policier faisait passer la femme devant en la poussant, il vit que l'un des autres s'occupait de faire léviter l'homme derrière eux. Wood regarda AxeMan.
- Et on intervient quand ? demanda-t-il.
- Quand personne ne pourra nous reconnaître ou nous apercevoir, répondit simplement Axeman en fixant le groupe.
Une des bases des Gardiens, comme lui avait expliqué AxeMan, était de garder le secret sur leurs véritables fonctions. Il supposait donc qu'intervenir en pleine rue risquait d'attirer l'attention des gens habitant à proximité. Il semblait que les Miliciens pensaient la même chose en voulant accomplir leur forfait dans un lieu fermé.
AxeMan finit par sortir de la ruelle tandis que le groupe entrait dans une des maisons. La porte se referma derrière eux et une des fenêtres s'illumina. Les deux Gardiens arrivèrent à leur tour au niveau de la maison. AxeMan s'approcha de la fenêtre tandis que Wood allait à la porte, baguette en main. Alors qu'il allait l’ouvrir, AxeMan interrompit son geste.
- Non, lui dit-il. Pas encore.
- Tu plaisantes, j'espère ? Quand comptes-tu intervenir ?
- Quand personne ne pourra nous reconnaître ou nous apercevoir, dit AxeMan une nouvelle fois d'un ton neutre.
Wood ne comprenait pas, les Miliciens étaient dans la maison. Personne d'autre qu'eux ne pourrait les y apercevoir... Et pendant ce temps, à l'intérieur, ils...
- Attends, dit soudain Wood en craignant comprendre. Tu ne veux quand même pas attendre qu'elle ne soit plus en état de nous reconnaître quand même.
- D'habitude, ils les Stupéfixent toujours avant. Pour l'instant, ils s'amusent autrement. Ils lui font peur en visitant…
- Et donc, on va attendre ? Pourquoi ne pas la stupéfixer toi-même pendant que tu y es !
AxeMan tourna la tête vers Wood. Il le regarda en haussant les sourcils. Puis il hocha la tête, sortit sa baguette et se dirigea vers la porte. Il ouvrit celle-ci et, juste après, un rayon rouge jaillit de sa baguette. Il semblait que AxeMan ait pris Wood au mot et ait stupéfixé la femme.
Des cris de protestations s'élevèrent dans la maison, faisant écho à ceux que Wood aurait voulu lancé s’il n’était pas resté simplement bouche bée, tandis que d'autres rayons rouges sortirent de la baguette d'AxeMan. Quatre tirs. Quatre bruits de chute. Wood, quant à lui, était resté pétrifié sur le seuil quand AxeMan avait lancé son sort sur la victime.
- Entre, lui dit AxeMan qui se trouvait au milieu de la pièce où se trouvaient les six corps.
Wood ne réagit pas tout de suite mais finit par entrer et ferma la porte derrière lui. Pendant ce temps, AxeMan s'affairait sur les Miliciens, sans doute en train de leur effacer leurs derniers souvenirs.
- Pourquoi l'avoir stupéfixée ? finit par demander Wood d'une voix qui lui parut lointaine.
- C'était ton idée, dit AxeMan avec un sourire. Je dois avouer que ça a bien servi pour les surprendre et me permettre de tous me les faire après.
- Mais... on n'a fait pas ça pour les protéger de la Milice ?
- Non, pas eux, répondit simplement AxeMan.
- Qui alors ? répéta Wood avec incrédulité.
- Le Temple.
- Mais…
AxeMan se tourna vers lui et le regarda dans les yeux.
- Nous sommes les Gardiens du Temple, pas les Gardiens du Peuple, dit-il simplement.
- Et en quoi faire ça protège le Temple ?
- Penses-tu vraiment que nous sommes suffisamment nombreux pour vaincre la Milice ? demanda AxeMan en indiquant les Miliciens. Combien sommes-nous ? Trois ? Quatre ? Et Eux ? Plus de vingt, presque trente. Tu penses que nous avons la moindre chance si nous les attaquions de face ?
- Et en quoi cette attaque nous donne une chance ? Ils font toujours partie de la Milice, non ?
- Peut-être, mais la Milice voit, depuis quelques mois, revenir toutes leurs attaques nocturnes bredouilles et, surtout, amnésiques quant à ce qui s'est passé. Et je peux te l'assurer, ils ont peur, pas tous, mais un grand nombre d’entre eux. Et c'est peut-être ça qui nous donnera une chance.
- Et à quel prix va-t-on l'obtenir cette chance ?
- On n'a jamais fait d'omelettes sans casser d'œufs.
- Mais--
- Je pense savoir quel est le problème, alors je vais être clair. Le grand combat des bons contre les méchants, ce n’est pas ici qu’il a lieu. Ici, c’est les Gardiens contre la Milice, compris ? Tu peux toujours te dire ça, si ça te permet de te sentir mieux. Mais personnellement, je n'ai pas besoin de me justifier pour ça.
Wood ne répondit pas. AxeMan venait de répondre à la question qui lui pressait les lèvres. Et pourtant, même s’il ne fallait pas considérer la Milice comme le Mal, pour reprendre ce que AxeMan avait dit, de telles attaques nocturnes de leur part…
- Il y a des membres de la Milice qui sont contre ces opérations nocturnes, si tu veux savoir, dit AxeMan comme pour répondre à la question que Wood ne posait pas. Je me contente de faire la mission pour laquelle les Gardiens ont été créés : empêcher la Milice d'arriver à ses fins et protéger le Temple.
- Les ordres du Fondateur ne sont-ils pas de se contenter d'empêcher les Miliciens d'approcher du Temple ?
- Le Fondateur m'a assuré, il y a sept mois de cela, quand il m'a informé de l'existence de la Milice, qu'il avait un plan pour se débarrasser de la Milice. Et en sept mois, je ne l'ai pas vu faire une seule action dans ce sens car non seulement, ils comptent de plus en plus de monde, mais ils sont également de mieux en mieux placés dans l’Empire. J'applique uniquement la méthode que je juge la plus efficace.
- Donc le Fondateur n'est pas au courant des nos... interventions nocturnes ?
- Non. Et il n'a pas à l'être. Il préfère se cantonner à une défense qui ne servira à rien. Il n'a aucun esprit tactique. Il a voulu les Gardiens pour lutter contre la Milice, il aura sa lutte. Mais vu qu’il a choisi de rester à l’écart…
- Ca fait quand même pas mal de choses que tu lui caches, non ?
- Et alors ? Du moment que je lui apporte les résultats…
A ce moment, AxeMan regarda en direction de la fenêtre et sembla se rendre compte de l’endroit où ils se trouvaient. Et cet endroit n’était aucunement un endroit hors d’atteinte d’une Ecoute du Mur… Il se retourna vers les corps. Avec l’aide de Wood qui semblait se remettre, il effaça les souvenirs de tous les inconscients et plaça le couple assis sur un canapé. Puis, il fit léviter les quatre corps des Miliciens et sortit, réveillant de loin de couple en fermant la porte.
AxeMan continua de marcher avec les corps qui flottaient devant lui et traversa la ville endormie comme ça. Wood pensa que pour quelqu’un qui voulait à tout prix ne pas être aperçu, il s’y prenait assez mal en cet instant…
- Qu’est-ce que tu vas faire de… ? commença Wood.
- Je pense connaître l’endroit idéal pour les déposer, répondit AxeMan. Il est simplement dommage que nous soyons si loin.
Ils finirent par parvenir à une espèce de cabane délabrée qui se trouvait sous la route qui montait vers le plateau du Temple. La cabane dans laquelle les Miliciens avaient demandé à Wood de déposer le souvenir contenant sa discussion avec AxeMan.
Celui-ci laissa les corps tomber lourdement sur le sol puis ferma la porte branlante. Puis il fit s’effondrer la cabane d’un mouvement fluide de sa baguette avec de s’éloigner en se frottant les mains.
- Bon, bien sûr, ils ne trouveront pas ce qu’ils t’ont demandé, mais ils auront quelque chose, dit AxeMan en riant presque.
- Tu ne crois pas que ça va nous dénoncer ?
- Il est temps qu’ils comprennent qu’on ne plaisante plus.
- Ouais…, fit Wood à mi-voix d’un ton songeur… Mais, sinon, si tu veux être discret, il y avait sûrement un autre moyen que de se promener avec eux devant nous dans la moitié de la ville, non ?
- Peut-être, dit AxeMan en haussant les épaules. Mais que veux-tu, je ne touche pas les déchets, c'est salissant.
1 commentaire:
Un nouveau chapitre, enfin.
Pourquoi tant de retard par rapport à la prévision normale, vous demandez-vous ? (Et si ce n'est pas le cas, je le demande pour vous) Ce n'est pas parce qu'il faut que j'écrive les chapitres et que j'ai pris du retard, non, l'histoire est complète depuis un certain temps déjà.
C'est simplement parce que je me fais un gros caprice. En gros, depuis la dernière publication, personne n'est venu. Peut-être est-ce parce que c'est nul et que vos yeux saignent à chaque fois que vous tentez de lire ce qui est posté... mais les commentaires sont là pour ça.
Si je me suis décidé à mettre tout ça sur internet (et ce n'est pas fini, croyez-moi, rien quand dans la série Gardiens de l'Ombre, il y a déjà trois histoires complètes) c'est pour avoir des retours (oui, je sais, ça fait très mégalo, regardez-moi j'existe, mais bon).
Donc, à partir de cet instant, je décide arbitrairement que je ne posterais de nouveau chapitres qu'à partir du moment où il y aura eu une nouvelle visite depuis le moment où le chapitre précédent a été posté (bon, il reste quand même un espacement minimum de trois jours entre chaque chapitre pour cause de flemme).
A part ça, bonne lecture.
Tocsin
(qui fait sa crise mais qui se soigne)
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