dimanche 24 mai 2009

GdO 1 - Seuls

Chapitre 13

Seuls

- Il faudrait peut-être que tu penses à nous exposer ton plan, je pense, dit Félix à AxeMan avec une légère irritation dans la voix, une fois que le Fondateur fût parti. Après tout, j'ai cru comprendre qu'on allait y être relativement présents...
- Bon, répondit AxeMan. Très bien. Je suppose que vous avez compris ce qu'il s'est passé à l'instant.
- De ce que j’ai compris, répondit Wood, tu as créé une rupture parmi les Gardiens, tu as fait comprendre à Whyte que sa place n’était plus là. J’avoue que je n’ai pas tout compris, notamment sur le pourquoi Whyte est partie, mais… 
- Aucune réelle importance, dit AxeMan en éludant la question. La majorité d'entre eux ne sont pas très puissants, et je pense que la nouvelle que nous savons qu'ils existent, et du fait que nous savons un grand nombre de choses à leur sujet créera une sorte de mouvement de panique chez eux, ce qui aura comme conséquence de venir nous 'réduire au silence'.
- C'est joyeux, ça, commenta Wood.
- Nous réduire au silence, hein ? Tu penses qu'ils vont venir nous tuer ? demanda Félix en croisant les bras.
- Je pense qu'ils essaieront de nous capturer, dans un premier temps, pour pouvoir nous interroger sur ce que nous savons. Mais je pense également que leur attaque sera relativement désorganisée, à cause de leur panique, et qu'elle arrivera ici.
- Et cela signifie quoi, exactement ?
- Qu'ils n'auront pas de plan réellement prédéfini, tandis que nous, nous les attendrons de pied ferme sur notre terrain. Nous aurons l'avantage.
- Et...euh, à combien estimes-tu leur nombre ? demanda Félix d’un ton un peu incertain.
- Une trentaine, environ, mais comme je l'ai dit, sauf Ford, le Saigneur et peut-être deux trois autres, ils ne sont pas puissants.
- Et que faut-il en attendre ? Une attaque immédiate ?
- Je ne sais pas trop, mais je pense qu'ils tenteront quelque chose dans moins d'une semaine.
- Eh bien, déclara Félix, dans ce cas, il nous faut nous préparer.
- Si vous voulez vous entraînez, allez-y, pour ma part, je dois aller faire quelque chose en ville.
- Faire quoi ?
- Je vous en parlerai plus tard, pour ma part, je vous laisse.

AxeMan se leva et sortit de la pièce, non sans attirer une bouteille de bièraubeurre avant de partir. Wood et Félix se regardèrent et haussèrent les épaules.
Le soir arriva rapidement, et le temps resta au beau fixe. Wood alla faire une ronde autour du Temple et commença par se rendre au Dôme du Savoir au crépuscule. Plusieurs personnes discutaient de leur interprétation d’un livre à tendance mystique qu'ils venaient de lire, mais quand Wood entra dans le Dôme elles s'interrompirent et le prirent à partie au sujet de certains livres usés qu'il devenait presque impossible de lire. Il calma les esprits en prenant les livres en question avant de repartir, non sans entendre des murmures qui ressemblaient très fortement à « il faut les secouer pour qu'ils se bougent », et fut donc obliger de repasser par le Quartier Général afin d'y déposer les parchemins qu'il avait récupéré.
Celui-ci était vide à cette heure-ci et il alla déposer les parchemins dans la cellule de restauration la plus proche avant de ressortir. Quand il ouvrit la porte, il vit une silhouette au bout de la rue, au carrefour menant à la rue interdite. Ils s'observèrent un instant sans que Wood puisse identifier la personne puis la silhouette partit en courant dans la Rue Interdite. Wood se précipita à sa poursuite en sortant sa baguette et, quand il arriva au niveau du carrefour, ne vit personne dans la rue. Il avança prudemment en scrutant du mieux qu’il le pouvait le moindre recoin pendant quelques mètres, puis, des deux côtés de la rue:

- STUPEFIX.

Deux voix venaient de crier cette incantation au même moment et Wood eut juste le temps de se jeter en avant quand les deux sorts se rencontrèrent au milieu de la rue, ricochant et allant se perdre parmi les maisons délabrées. Wood se retourna et vit, de chaque côté de la rue, une personne, la baguette pointée vers lui. Il pointa alors sa baguette vers l'un d'entre eux au moment où chacun relança le sort.

- STUPEFIX, crièrent quatre voix à l'unisson.

Wood reçut l'un des sorts des assaillants tandis que le second alla s'écraser sur la maison d'en face et que les deux attaquants s'effondrèrent, chacun atteint par un Stupéfixion.
Wood fut sorti de l'effet du sort et regarda autour de lui en respirant profondément. Il vit Félix qui portait un des corps sur son épaule. Celui-ci se retourna vers Wood :

- Bon, je ne t'ai pas réanimé pour rien, dit-il avec un sourire. Aide-moi à nettoyer cette rue.
- Oui, oui. Merci, dit Wood en se relevant.

Il se dirigea vers le second corps et le mit sur son épaule.

- Je dois avouer, continua Félix, que pour un sort jeté aussi rapidement, tu as très bien visé. Et je dois avouer que voir trois personnes tomber en même temps, touchées par un Stupefix, ce n'est pas donné à tout le monde.
- Comment as-tu fait pour être là à temps ?
- Je faisais une ronde pas loin et je suis passé juste à côté quand ces abrutis ont lancé leur sort.
- Si ça commence comme ça, ça va devenir de plus en plus risqué de faire des rondes seul.
- Oui, il faudra en parler avec AxeMan, mais on risque de devoir faire les rondes ensemble.

Quand ils arrivèrent à l'entrée de la rue, ils déposèrent les corps sur le sol et lancèrent un sort d'amnésie dessus. Ils restèrent à côté pendant quelques secondes.

- Bon, je pense qu'on peut les laisser comme ça, dit enfin Wood. Il y aura bien quelqu'un qui les découvrira à un moment ou à un autre.
- C'est exactement ce que je pensais, dit Félix avant de se métamorphoser en tigre et de repartir vers le Temple.

Wood retourna au quartier-général avant d’aller faire une ronde. Il passa une grande partie de la nuit à surveiller la cour du Temple sans incident. Vers deux heures du matin il aperçut une ombre bouger dans la Rue Interdite et se rapprocha prudemment. Une fois arrivé derrière, il pointa sa baguette vers la silhouette.

- Halte, cria-t-il. Qui va là ?
- Du calme, répondit l'ombre d’une voix fatiguée en se retournant. Ce n'est que moi.
- AxeMan, soupira Wood en rangeant sa baguette. Ca t’a pris tant de temps que ça ?
- Moui. J'ai fait un petit tour dans le Temple et en ville. Je vais aller prendre quelques petites choses au QG et me calmer un peu les nerfs avant de rentrer me coucher. 
- Très bien. Je pense que je vais rentrer chez moi, la soirée m'a un peu épuisé.
- Ah ?
- Disons que la Milice semble vouloir éliminer, ou du moins capturer, les gardiens un par un. Par surprise.
- Ah ? Nous verrons ça demain.
- Bien.

Wood rentra chez lui tandis qu'AxeMan partit vers le quartier-général. En passant devant le miroir, Wood aperçu les cernes qu'il avait. Et avec les nuits qu'ils risquaient de faire, ça ne risquait pas de s'arranger, pensa-t-il.
Le lendemain, en sortant de chez lui, Wood croisa Félix qui sortait lui aussi de chez lui et ils se rendirent ensemble au quartier-général. Quand ils entrèrent dans la salle de détente, ils trouvèrent AxeMan en train d'y prendre son petit-déjeuner. Ils n'eurent pas besoin de croiser son regard pour comprendre qu'il venait de se passer quelque chose de grave, comme si les murs étaient dotés d'une certaine intelligence, l'air était encore lourd, et électrique.

- Un problème, AxeMan ? demanda Félix.
- Non, il reviendra bientôt la queue entre les jambes.
- Qui ça ?
- Asseyez-vous, je vais vous expliquer, c'est assez long... quoique... le plus simple serait que vous le regardiez par vous-mêmes.

AxeMan se leva et se dirigea vers une table sur laquelle se trouvait une pensine et, après avoir porté sa baguette à sa tempe, y fit tomber un filament argenté.

- Allez-y. Je connais déjà toute l'histoire, et je n'ai pas envie de la revivre une fois encore.

Wood et Félix se rapprochèrent de la pensine et y aperçurent une vue du dessus de la salle d'entraînement. Ils se penchèrent et tombèrent dans la pensine pour se retrouver à côté d'AxeMan en train de s'entraîner, ou plutôt après s'être entraîné.


* * *


 AxeMan était épuisé, mais assez satisfait de lui. D’un mouvement imperceptible de sa baguette, il fit apparaître une faible lueur, suffisante pour se diriger dans le Quartier Général. Il faudrait franchement penser à installer des bougies un peu partout. Dommage que l’électricité n’ait pas un fonctionnement convenable en présence de trop de magie…
Il se dirigea calmement vers la salle de détente, désireux de prendre une bièraubeurre, au calme, avant d’aller se coucher. Le feu était encore allumé dans la cheminée, comme cela était souvent le cas. Mais lorsqu’il aperçut le Fondateur dans un fauteuil, il fronça les sourcils en comprenant que sa journée n’était pas encore terminée. Le Fondateur prit la parole dès qu’il le vit :

- Il parait que des histoires intéressantes se sont produites dans le Quartier Nord ? demanda-t-il d’un ton enthousiaste.
- Euh…
- Mon neveu m’a dit que tu saurais tout me raconter, et même me montrer…
- Euh…
- Alors ? le pressa le Fondateur.
- Oui, euh, deux minutes si tu permets, je me prends une bièraubeurre, ensuite je m’assois, et après ça je te répondrai. J’ai travaillé toute la journée, je me suis entraîné toute la soirée, et là, maintenant, je suis épuisé…
- Oui d’accord. Bon, fais vite quand même. J’ai hâte de tout savoir…, dit-il d’un ton enjoué mais néanmoins menaçant.

AxeMan ne dit rien, il ne laissa rien paraître sur son visage, mais il n’en pensait pas moins. L’absence de patience du Fondateur, alors qu’il était épuisé, le contrariait quelque peu. D’autant que le matin encore, ils s’étaient disputés car AxeMan n’avait pas suivi les plans du Fondateur. Cela cachait forcément quelque chose.
 Ce sentiment disparut bien assez vite à la première gorgée de bièraubeurre. Il sentait néanmoins le regard du Fondateur rivé sur lui, même s’il lui tournait le dos. Il se retenait pour ne pas lui demander de partir. Il but quelques gorgées, les savourant un peu plus à chaque fois, alternant avec quelques pas lents vers son fauteuil favori. À peine fut-il assis dans ce fauteuil que le Fondateur relança la conversation aussi sec :

- Bon, alors, tu vas me raconter ce qui s’est passé ?
- C’est dans le quartier Nord, tu sais, ce n’est pas vraiment mon quartier.
- Tu es au courant pourtant, à ce qu’il m’a dit.
- Tu sais bien qu'ici, je suis l'informateur, répondit prudemment AxeMan, c’est mon métier depuis que tu m'as donné l'accès au Temple.
- Et donc ?
- Rien de plus que des ragots stupides, dit AxeMan en haussant les épaules. Des histoires de couples à la noix, rien de bien passionnant.
- Il m’a dit que tu avais des preuves visuelles…
- N’y a que ça qui t’intéresse ? grogna AxeMan à la limite de l’intelligible. C’est pour ça que tu es venu me voir ?
- Oui.

AxeMan resta de marbre. Le Fondateur qui le pousse, malgré lui, d’accord, mais qui le pousse tout de même, dans la guerre. Et voilà qu’il s’intéresse à des balivernes pareilles. Finalement, il sortit lentement sa baguette magique de sa poche, en approcha l’extrémité du haut de son front, et en sortit un filament.

- Tiens, voilà, dit-il en déposant le souvenir dans un verre.
- Tu étais sur place ?
- Bien sûr que non, j’ai bien autre chose à faire.
- Mais alors comment tu as récupéré ça ?
- Je suis un trafiquant de l’information. Je sais m’emparer de ce que je peux vouloir.
- Alors ça t’intéressait aussi ?
- Très franchement, non. Mais certains points sans intérêt peuvent parfois receler des mines d’or.
 - Et est-ce le cas ?
- Absolument pas, répondit AxeMan en jetant la bouteille vide dans la poubelle à cinq mètres de lui.

Le Fondateur se leva, alla chercher une pensine enfermée dans un des placards de la salle de détente, puis revint devant AxeMan en le laissant déposer le filament dans la pensine. Il plongea ensuite avidement, tête la première, dans la pierre gravée de runes. 
AxeMan se leva pour chercher une autre bièraubeurre. Il avait du mal à comprendre l’intérêt réel du Fondateur pour ça. Après tout, Ford pouvait avoir les passe-temps qu’il souhaitait, du moment que ses partenaires étaient consentantes. C’est dans le cas contraire qu’il devait agir.
D’ailleurs, à ce sujet, il n’arrivait pas à comprendre comment il pouvait en être arrivé à afficher un tel mépris envers les victimes. Cela avait bien failli causer le départ de Wood, il l’avait parfaitement vu ce soir-là. Pour Félix, peut-être moins, mais il arrivait mieux à cacher ses sentiments tandis que lui, il jouait au dur… Au final, ce qui comptait, c’était que les victimes, anciennes et potentielles ne risquent rien. D’une certaine façon, il se foutait pas mal de ce qui pouvait arriver au Temple…. 
Et pourtant… il se comportait exactement dans l’autre sens… Il imaginait déjà ce que pourrait dire Wood là-dessus. Qu’il ne voulait pas admettre que sa préoccupation principale était pour le peuple, et qu’il sa cachait derrière de faux prétextes pour ne pas avoir à se l’avouer.
De foutues belles conneries, ouais, pensa-t-il en débouchant une quatrième bièraubeurre.
Lorsque le Fondateur revint, de nombreuses minutes plus tard, AxeMan en était déjà à sa cinquième bièraubeurre. Certains auraient dit à AxeMan qu’il buvait trop en voyant les bouteilles vides qui s’empilaient dans la poubelle, mais le Fondateur ne s’en souciait guère :

- Mouais, c’est pas terrible, dit-il en s’asseyant. Je pensais qu’elles étaient mieux que ça.

AxeMan ne jugea même pas utile de répondre.

- Vraiment pas terrible, ça me dégoûte d’eux en fait. Et ce souvenir t’importe tant pour que tu le gardes ?
- Je t’ai déjà dit que le point de vue artistique de la chose ne m’intéressait absolument pas. Mais je n’ai aucune envie de me soumettre à un Effacement de mémoire rien que pour ça, répondit AxeMan un sourire aux lèvres avant de boire une nouvelle gorgée. Enfin bref, et sinon, comment ça va ?
- Je m’ennuie un peu en ce moment. Et puis, la Milice n’a pas cessé de grandir…
- Oui, mais ça j’y travaille, le coupa AxeMan. On en a parlé ce matin.

Il n’avait pas envie de revenir là-dessus. 

- Et que fais-tu donc exactement ? le pressa le Fondateur.
- Ecoute, je sais ce que tu veux. Alors, non, je n’arrêterais pas le tout maintenant !
- Vous n'avez pas les capacités...
- Je les ai. Et crois-moi, ils tomberont tous. Même si je dois y laisser ma vie, je mettrai fin à la Milice.
- AxeMan, je ne doute pas du fait que tu sois un grand sorcier, mais tu ne parviendras jamais seul...
- Je ne suis pas seul. Félix et Wood sont avec moi. Ils gagnent en puissance de jour en jour, même si je suis obligé de ralentir la vitesse de mes sorts pour laisser une chance à Wood de tenir le coup. Mais ils progressent tous les deux.
- Trop lentement. La ville sera en ruines avant que vous ne puissiez faire quoi que ce soit.
- Sauf qu'on n'est pas ici dans un camp d'entraînement. S'ils passent leur temps à s'entraîner, au lieu d'entretenir les écrits du Temple, les autres imbéciles finiront par s'en rendre compte. Tu n'es pas sans savoir que Bones est avec eux ?
- Oui, je le sais bien, et...
- Il faudra le faire partir de cette équipe un jour ou l'autre. Tu n’as même pas mis ton veto à son entrée…
- …je n’ai pas répondu quand lors du vote. Ford l’aurait fait rentrer sans me demander mon avis de toute façon.
- Tu aurais pu donner ton veto ! Enfin bref, ce qui est fait est fait, maintenant nous devons faire avec. Mais pour l'instant, tant qu’il sera là, on ne peut pas faire ce qu'on veut dans ce bâtiment. Il faut rester couvert. Ford est très souvent présent dans le Temple. J'ai failli me retrouver nez à nez avec lui l'autre jour. On ne peut pas se mettre à découvert aussi vite...
- Mais vous n'arriverez jamais à rien en continuant comme ça.
- Tu ne cherches pas à nous aider non plus. Mais tu sais tout aussi bien que moi que quelques rares policiers ne font pas partie de la Milice, et que, mieux, deux de ces policiers aimeraient autant que nous mettre fin à tout ça. Ils pourraient nous être d'une aide précieuse.
- Mais tu souhaiterais mettre en péril la vie de mon neveu ?
- Il est d’accord, dit AxeMan en haussant les épaules. ET tout ça, c’est pour sauver l’Empire, ta création, je te rappelle.
- Et c'est à cinq que tu comptes livrer bataille ? Sais-tu combien ils sont dans la milice ?
- On m'a parlé d'une trentaine. Mais tu sais tout aussi bien que moi que nombre d'eux sont terriblement faibles...
- Tu me sembles les sous-estimer un peu.
- Ah, excuse-moi, reprit AxeMan en levant les yeux vers le plafond. J'ai oublié de préciser : terriblement faibles comparés à moi.
- Deviendrais-tu orgueilleux ? demanda le Fondateur avec une intonation menaçante dans la voix.
- Simplement réaliste, répondit AxeMan en haussant les épaules. Nous serons bientôt prêts, fais-moi confiance.
- Si tu es si fort que ça, pourquoi ne vas-tu pas en attaquer quelques uns dès maintenant ?
- Ils ne sont pas stupides. Je ne peux les attaquer que dans ce parc, dans le reste de la ville, je serais bien trop à découvert...
- Et alors ?
- Si un policier est abattu dans le Parc, ils ne seront pas bien longs à savoir qu'il s'agit soit d'un autre policier, soit d'un Gardien, soit d'un Consul. L'enquête les mènerait rapidement à nous. 
- Je croyais que tu voulais une guerre ouverte ? lança le Fondateur.
- Quand nous serons prêts, répondit AxeMan en ne prêtant aucune attention au sarcasme. Et je suis en train de mettre un plan sur pied.
- Quel plan ? demanda le Fondateur d’un ton où la menace était palpable.
- Il n'est pas nécessaire que je t'en parle pour le moment, dit AxeMan en haussant les épaules.
- Quel plan, AxeMan ? répéta le Fondateur d’un ton encore plus menaçant.
- Il n'est pas nécessaire que je t'en parle pour le moment, répéta AxeMan en détachant chaque mot.
- Tu refuses de me le dire ? demanda le Fondateur d’un ton plus froid que ce qu’AxeMan l’aurait cru capable de faire.
- Oui. Que ça te plaise ou non. Tu aurais pu mener cette bataille. Tu as refusé de le faire. Tu veux rester en marge. Alors restes-y.
- Que veux-tu dire par là ?

AxeMan aurait pensé que son ordre aurait été relativement simple à comprendre, mais il semblait que le Fondateur fut incapable de le comprendre.

- Tu m’as donné le commandement des opérations, dit lentement AxeMan en serrant la bouteille vide si fort que ses jointures était apparentes, alors laisse-moi faire.
- J’ai l’impression que tu veux lancer une bataille entre toi et eux.
- Exactement.
- Je ne veux pas une bataille de front avec bain de sang à la clé.
- Qu’est-ce que tu veux alors ? laissa s’échapper AxeMan à moitié malgré lui. Tu ne fais que me parler de ton fichu plan ! J’attends encore d’en voir la couleur. Mais en fait, tu es un passif, ajouta-t-il avec une rancune qu’il n’arrivait plus vraiment à maîtriser. Tu veux la fin de la Milice, mais tu ne fais rien contre elle. Tu ne veux pas de Bones, mais tu l’acceptes quand même. Tu m'as donné les rennes de l'opération. Maintenant, tu n'as plus ton mot à dire.
- Ne me parle pas sur ce ton ! dit le Fondateur en criant presque. Tu me dois le respect, je t'ai donné l'accès au temple, c'est grâce à moi que tu en es arrivé là.
- Tu n'avais qu'à pas le faire, maintenant tant pis pour toi.
- Je t'interdis de mettre cette opération sur pied, cria le Fondateur en se levant.
- J'aimerais bien que tu tentes de m'en empêcher, répondit AxeMan en plissant les sourcils.
- Tu oses me menacer ?
- Tant que tu ne seras pas assez stupide pour t'opposer à moi.
- Ton orgueil est sans limite...
- ...tout comme la stupidité et l'arrogance de la milice... mais ils ne tarderont pas à frapper à ta porte, persuadés que tu les empêcheras de prendre le contrôle du temple à la loyale, et j'espère pour toi qu'à ce moment-là tu ne seras pas trop loin de nous...
- Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
- Que le sang va couler, d’un côté, de l’autre, des deux… Il faudra un exemple, obligatoirement. Et que si tu ne restes pas de notre côté, ils te tomberont dessus.

Le Fondateur ne répondit pas. Sa bouche tressautait légèrement sous l’effet d’un tic nerveux et de la colère qu’il n’essayait même plus de dissimuler. Il fit un léger mouvement avec sa main, comme pour saisir sa baguette, puis se ravisa.

- Tu n'es pas celui que je croyais, lâcha-t-il avec dégoût.
- Je mènerai ma mission à bien, répondit AxeMan. On ne peut pas les arrêter à la loyale. Et ils t'attaqueront de front lorsqu’ils se rendront compte que tu as voulu leur mettre des bâtons dans les roues, ce qui ne saurait tarder.
- Imbécile ! cracha le Fondateur. Et que comptes-tu faire après, en supposant que tu parviennes à les neutraliser ? Prendre le pouvoir ?

AxeMan ne put retenir un éclat de rire dédaigneux.

- Comme si ça m'attirait...
- À voir ton arrogance, j'en suis persuadé.
- Comment oses-tu me juger ? Est-ce que j'ai montré par le passé un intérêt pour le pouvoir ? Jamais !
- Tu es égoïste, tu ne penses pas aux autres, aux conséquences sur la population d’un tel évènement.
- Bien sûr que j’y pense ! répondit AxeMan en criant presque en se levant brusquement. Et je ne suis pas égoïste !
- Tu ne recherches que la gloire personnelle.
- Je ne cherche ni la gloire, ni le pouvoir, répondit AxeMan en se maîtrisant du mieux qu’il le pouvait pour ne pas attaquer tout de suite le Fondateur. Tu sais bien que j’ai toujours travaillé caché, sans demander la moindre reconnaissance.
- Ceux qui parviennent à leurs fins sont ceux qui cachent le mieux leur jeu, persiffla le Fondateur. Preuve en est que tu étais sur le point de réussir...
- ...je réussirai.
- Assez ! hurla le Fondateur. Je ne veux plus t'entendre ! Tu me dégoûtes !

Il précipita sa main vers sa poche, mais en même temps, AxeMan tendit le bras en avant et sa baguette apparut dans sa main. Le Fondateur stoppa son geste. Le bon vieux tour fonctionnait toujours.
La tension était à son comble. Leurs yeux lançaient des éclairs. Eux, jadis alliés, les meneurs de cette lutte contre la Milice, semblaient devenir les plus grands ennemis du monde. Le Fondateur lui lança, faute de mieux, le regard le plus haineux dont il était capable, puis pivota sur lui-même et sortit sans un mot. AxeMan le regarda s'éloigner puis, une fois celui-ci hors de son champ de vision, il retourna s'asseoir dans son fauteuil, non sans s’être servi une sixième bièraubeurre au préalable.
Il rumina pendant de longues minutes. La longueur de cette journée, cette dispute avec cette personne dont il avait été très proche par le passé… Il regrettait un peu cette dispute, mais le Fondateur s’était permis de l’attaquer, de le juger, sans raison valable. Tant pis pour lui. Il resta dans ce fauteuil, et décida de dormir dedans cette nuit, trop fatigué, moralement comme physiquement, pour rentrer chez lui…
Il lança la bouteille dans la poubelle, mais celle-ci tomba à côté et se brisa dans un grand bruit de verre qui résonna longtemps dans la salle et bien plus longtemps dans son crâne.


* * *


Wood et Félix sortirent de la pensine et se tournèrent vers AxeMan, qui les attendait, une bièraubeurre à la main. Si quelque chose avait plus être plus bruyant, ce fut le silence qui s'ensuivit. Chacun semblait comprendre ce qu'il convenait de faire, et ce sans même ouvrir la bouche. Ce fut finalement Wood qui brisa le silence.

- Mais, si nous perdons le soutien du Fondateur pour le plan...
- ...alors nous nous en passerons, l'interrompit AxeMan. Nous agirons quand même, et cela même si le Premier Consul devait retirer l'accord qu'il a conclu avec le Fondateur lors de la création des Gardiens. Nous restons des Gardiens, mais si besoin en est, nous défendrons le Temple dans l'ombre, sans que personne ne le sache. Nous avons une mission, j'ai donné ma parole, et je la tiendrai...

A ce moment, Félix se retransforma en tigre et la porte s'ouvrit, laissant entrer Ford. Il portait toujours la robe blanche des Consul, mais il avait l'air fatigué comme les cernes qu’il arborait le prouvaient.

- Bonjour, messieurs, dit-il en se dirigeant vers le groupe.
- Bonjour.
- Je voudrais savoir quelque chose, commença-t-il d’une voix fatiguée, j'ai trouvé deux hommes stupéfixés à l'entrée de la rue interdite, et ils ne semblaient pas se souvenir de la manière dont ils étaient arrivés là. J'en ai donc déduit qu'ils vous avaient rencontrés.
- Depuis quand laissons-nous les gens stupéfixés durant toute la nuit, dehors ? demanda Wood.
- C'est ce que j'aurais voulu savoir.
- Eh bien, il me faut avouer que je ne sais pas ce qu'ils faisaient là-bas.
- Ils se seront peut-être fait attaquer cette nuit, en revenant du Dôme, dit AxeMan. Après tout, nous ne pouvons pas faire des rondes tout le temps.
- Je le conçois, en effet. D'autant plus que j'ai appris la démission de Whyte. C'est bien dommage, je dois dire, elle faisait du bon travail.
- Oui, ça, vous pouvez le dire, dit AxeMan, elle restait toute la journée dans une cellule de restauration et ne faisait rien d'autre. Par contre, pour ce qui est de la surveillance du Temple...
- Elle faisait partie de la première génération des Gardiens, si vous voyez ce que je veux dire, dit Ford en se tournant vers Félix. Elle avait fait son choix, vous aussi vous l'aviez fait, même si je ne vous ai jamais vu en humain pour me le dire de vive voix.

Félix laissa échapper un léger grognement.

- Mais bon, je suppose que je vais vous laisser, ajouta Ford. Le Fondateur a réuni le Conseil et il n'a pas voulu dire quand cette réunion allait prendre fin.
- Eh bien, bonne journée.
- Merci, vous aussi, répondit Ford avant de faire volte-face et de sortir.

A peine la porte se fut-elle refermée que Félix se retransforma en humain.

- Mais pourquoi diable te transformes-tu toujours quand quelqu'un arrive ? demanda AxeMan en levant les yeux au plafond.
- Un réflexe, répondit Félix. Mais Ford me rappelle un fait dont il faut parler. La Milice, ou tout du moins certains de ses membres, a attaqué Wood durant une ronde hier soir. Heureusement, je me trouvais non loin, mais j'ai tendance à penser que faire des rondes seul n'est pas une bonne idée.
- Ah ? Je dois avouer que... même si cela est signe d'une certaine panique, je m'attendais à un mouvement plus important.
- Cela, nous y aurons droit, dit Wood. Mais quand leurs tentatives de guérilla seront toutes restées vaines. Après seulement, nous aurons le droit à une attaque plus massive.
- Eh bien, nous les attendrons. Il va falloir nous entraîner un peu, mais il va également falloir patrouiller de manière plus régulière, afin d'éloigner les "curieux". Quant à la restauration, on peut la laisser à -

A ce moment, Félix se transforma une nouvelle fois et la porte s'ouvrit, laissant place à Bones.

-Déjà levé ? demanda celui-ci. 
-Eh oui, répondit AxeMan. Ici, on se lève plus tôt que dans les cimetières.

1 commentaire:

Tocsin a dit…

Que dire, que dire...

La majorité de l'histoire se passe suivant le point de vue de Wood, mais quelques passages (ici, le second) se passent suivant le point de vue de AxeMan.
Ils ont tous les deux un caractère extrêmement différent et il faudrait donc que cela se ressente dans la narration. Or j'ai tendance à raconter de la même manière et donc, il faut que je fasse plusieurs passages sur le même texte afin de tenter de lui donner une autre personnalité, celle de Axeman.
Avec succès ? J'espère...

Bonne lecture,

Tocsin