lundi 27 avril 2009

GdO 1 - Le Mur

Chapitre 9
Le Mur
L'homme faisait une ronde autour du Temple, comme il l'avait déjà souvent fait auparavant puis il s'approcha de l'imposant bâtiment. Celui-ci était d'un blanc éblouissant sous la lumière du soleil qui brillait ce jour-là et l'homme dut cligner des yeux plusieurs fois avant de ne plus être ébloui par le soleil reflété par le marbre lisse des murs. Il avait déjà eu envie de rentrer à l'intérieur, simplement pour voir comment c'était, sans aucun but particulier, mais il savait que, d'une manière ou d'une autre, il n'aurait pas pu. Mais ce jour-là, les choses étaient différentes.
Il passa entre les deux imposantes colonnes qui encadraient la porte. Arrivé à côté, il l'examina de près : aucune poignée, aucun bas-relief, aucune jointure. La porte était dans un bois totalement lisse. Il était quasiment impossible de distinguer la séparation entre le marbre de l'encadrement et le bois de la porte, comme si cette dernière était constituée du même marbre que le mur mais que la partie constituant la porte aurait été transformée pour prendre l'aspect du bois.
L'homme se demandait comment faire pour ouvrir la porte, les Consuls y arrivaient ou alors ils rentraient sans ouvrir la porte, il devait donc y avoir un moyen. Il se mit donc à tâter le porte afin de trouver un mécanisme, mais après cinq secondes passées au contact de la surface froide, l'homme sentit une chaleur parcourir son corps à partir de la main en contact avec la porte. 
Il retira brusquement sa main de la porte et la sensation de chaleur disparut immédiatement. L'homme frôla l'endroit de la porte qu'il venait de toucher. Il était froid, comme si personne ne l'avait touché. Froid, malgré le soleil qui frappait la porte. L'homme s'arrêta pour réfléchir à ce point. Il n'y avait pas encore fait attention, mais le soleil de midi tombait en plein sur la porte et celle-ci aurait donc dû être brûlante et non pas simplement froide comme elle l'était actuellement. Il devait donc y avoir quelque chose en plus de la porte... et cette sensation de chaleur qui l'avait parcouru devait certainement y être liée.
Il reposa sa main sur la porte. Il était midi et les Consuls étaient normalement partis manger chez eux. Du moins, il l’espérait. La sensation de chaleur réapparut et pendant cinq secondes, elle parcourut sa main, son bras, son torse, sa tête puis ses jambes. Puis soudain, la sensation de chaleur qui l'emplissait entièrement fut remplacé par une impression de froid mordant alors qu'il était projeté en avant à travers la porte. Mais au lieu de rentrer en contact avec celle-ci, il la traversa, tomba sur le ventre sur un sol lisse et glissa sur un demi-mètre avec un bruit de grincement audible qui résonna de trop longs instants à son goût.
Il se releva le plus vite qu'il put. Alors qu'il se tenait accroupi, une main posée sur le sol, ses yeux parcoururent l'espace environnant. Tout ce qui l'entourait semblait être en marbre : le sol, la multitude de colonnes alignées dans le hall et les murs qu'il pouvait apercevoir. Le seul point dont il pouvait dire qu'il n'était pas en marbre était la porte qui se trouvait en face de l'entrée.
L'homme acheva de se relever et fit un pas dans le but d'explorer un peu l'endroit avant que les Consuls ne reviennent et de repérer l'endroit qui l'intéressait tout particulièrement. Il entendit résonner des bruits de pas sur sa droite et le bruit d'une porte qui s'ouvre.

- Qui est-là ? demanda une voix qui résonna dans l'ensemble de l'imposant hall.

En entendant la voix, l'homme sursauta : il ne s'attendait pas à ce qu'un Consul soit présent. Il alla se cacher derrière un des piliers proches de l'endroit où il se trouvait et décida de ressortir dès que le Consul serait retourné là d'où il venait afin de limiter les risques. Il n’était pas venu dans le Temple pour s’y faire attraper dès la première fois. Pendant ce temps les bruits de pas s'étaient rapprochés et la voix s'éleva à nouveau.

- Personne ? dit-elle à mi-voix d'un ton étonné. Il me semblait pourtant... Tiens. En tout cas, une preuve que je n'ai pas rêvé...

L'homme se risqua à regarder de l'autre côté du pilier et il faillit émettre un cri de surprise en voyant Ford en train de ramasser une baguette magique tombée au sol. L’homme se retint de ne pas lui sauter dessus afin de l’empêcher de ramasser sa baguette. Il n’était pas venu pour ça.

- Ainsi les Gardiens ont laissé quelqu'un passé... dit-il en soupirant. Le premier depuis longtemps... Bon, j'examinerai ça plus tard, termina-t-il en mettant la baguette dans sa poche.

Et Ford repartit par là où il était arrivé et après plusieurs secondes à écouter les pas s'éloigner et son cœur battre de plus en plus vite, l'homme entendit une porte se refermer. Il jura à voix basse contre lui-même et se rapprocha de la porte par où était passé Ford. C'était la seule porte qui se trouvait sur ce mur. Elle était fermée et il jugea qu'il valait mieux ne pas chercher à se mesurer directement à Ford, surtout sans baguette. Il visita donc le reste du Temple à la recherche de son but premier, même s'il allait devoir faire preuve d'une prudence extrême. Il alla vers la première porte qu'il avait aperçue à son arrivée dans le Temple, celle qui se trouvait en face de la porte d'entrée, à l'autre bout du hall. En avançant vers elle, ses sens aux aguets du moindre bruit et du moindre mouvement, il jeta un œil entre chaque colonne afin de vérifier que personne n'était là.
Il arriva enfin à la porte et l'ouvrit pour se trouver face à un escalier en marbre. Il se risqua à monter et découvrit ce qu'il considéra comme une salle de détente déserte. Rien d’intéressant ne s’y trouvait…
 Il redescendit dans le hall. Celui-ci était véritablement énorme et l’utilité de cette taille si on devait la comparer au nombre de portes ne sautait absolument pas aux yeux. Il regarda autour de lui et remarqua une deuxième porte se trouvant à droite de la première, quasiment dissimulé dans le coin du hall. 
En l'ouvrant, il découvrit un escalier en colimaçon. Celui-ci jurait avec le reste du Temple car il était en pierre brute. De ce qu'il savait sur ce qu'il recherchait, l'homme se doutait qu'il ne le trouverait pas dans un sous-sol qui semblait avoir été aménagé dans une espèce de caverne. Il referma donc la porte. 
Il se retourna afin de voir où il pourrait continuer ses recherches. Le mur à sa gauche ne comportait qu'une porte qui n'était autre que celle derrière laquelle Ford se trouvait.
Il se dirigea vers le mur d'en face. Celui-ci ne comportait qu'une porte également. L'homme s'en rapprocha et il l'ouvrit pour se retrouver devant un simple pan de mur, un peu comme si les architectes du bâtiment avaient souhaité faire une farce lors de la construction. L'homme parcouru la surface du mur avec ses mains à la recherche de quelque chose qui puisse lui indiquer si ce mur menait quelque part ou si cela pouvait être, comme il commençait à le penser, ce qu'il était venu chercher dans le Temple. Il redoubla d'effort. Cependant, il ne trouva rien : le mur était comme les autres, parfaitement lisse et sans sortilèges s'activant au toucher. Il s'éloigna du mur en se disant intérieurement que ce qu'il cherchait devant certainement être dans la pièce où se trouvait Ford et il maugréa un juron contre ce dernier. 
Aussitôt l'homme sursauta car une voix sonore, celle de Ford, emplie l'ensemble du Temple. Son origine était impossible à déterminer car elle semblait sortir de tous les murs à la fois. La voix semblait pensive.

- ...lâches, ce pas ça qui... qu'est-ce que... ? Le Fondateur qui s'amuse encore avec le Mur ?

L'homme entendit de nouveau la porte qui s'ouvrit et alla se cacher derrière un des piliers proches, mais intérieurement il jubilait car ce mur que Ford venait de nommer le Mur était justement ce pourquoi il était venu dans le Temple.

- Qu'est-ce que... ? dit la voix de Ford avec un mélange de surprise et de méfiance. Etrange... tout d'abord la baguette trouvée par terre... puis la porte du Mur de l'Ecoute...

L'homme observa Ford alors que celui-ci fermait la porte et que sa voix reprit son volume normal. Il resta un petit moment à observer la porte et à regarder autour de lui, les sourcils froncés. L’homme hésitait à lui sauter dessus. Mais il n’était pas là pour ça… Pas encore.

- Bon, assez perdu de temps, je sais comment tirer cette affaire au clair, dit brusquement Ford en faisant volte-face et en se dirigeant d'un pas pressé vers la salle d'où il était venu.

Lorsqu'il entendit la porte se fermer, l'homme sut qu'il lui fallait trouver rapidement un moyen de récupérer sa baguette, sans quoi sa présence dans le Temple et son identité seraient trahies, car il se doutait que Ford et le Conseil disposaient d'un moyen pour déterminer à qui allait actuellement l'allégeance d’une baguette. Sans plus réfléchir, il se précipita vers la porte du Mur et l'ouvrit.

- Le Saigneur, dit-il d'une voix claire et nette.

Aussitôt le hall résonna de la voix du policier.

- ...our tout le monde... Alors, quelle est notre prochaine cible ?...
- QUI EST-LA ? s'exclama la voix désormais tendue de Ford alors que la porte s'ouvrait à nouveau.

L'homme saisit sa chance et traversa le hall en se faufilant de colonne en colonne de manière à ne pas être aperçu par le Consul.

- ... Lui ? continuait la voix du Saigneur. Ah, bon choix, je pense. Ce type est réellement pathétique avec sa voix suraiguë et fon feveux fur la langue...

L'homme rentra dans la pièce qui était sûrement la salle où siégeait le Conseil. Il jeta rapidement un œil à la disposition. La salle était formée en carré au centre duquel se trouvait une table ronde au milieu de laquelle était placé une espèce de grand globe dans lequel on apercevait l'ensemble de la Place Est et qui résonnait des discussions ayant lieu sur la Place

- ... Et avez-vous une idée de ce qu'on pourrait faire avec lui ?...

L'homme regarda autour de lui à la recherche de sa baguette et l'aperçut au sommet d'un ensemble de machines argentées d'apparence fragile reposant sur un meuble en bois dans un des coins de la pièce. Celles-ci émettaient un ensemble de fumées qui formait la silhouette d'un homme châtain vêtu d'une robe rouge : la silhouette de l'homme qui se trouvait dans la salle du Conseil à la recherche de sa baguette. Encore quelques instants et la fumée prit une forme définitive et la silhouette de AxeMan apparut de manière nette au-dessus de la machine.

- Et merde, s'exclama AxeMan en attrapant sa baguette. Pourvu que ça disparaissent vite.

Sa silhouette de fumée commença à s'atténuer, mais de manière lente. AxeMan tenta de dissiper la fumée avec ses mains, mais cela ne sembla pas avoir l'effet souhaité. Pire encore, la silhouette semblait disparaître encore moins vite.

- ...Non, en fait je pensais plutôt...

La voix du Saigneur s'interrompit. Ford devait avoir fermé la porte, et donc il risquait de revenir à tout moment et il n'avait pas envie de se battre avec la Consul... Du moins, pas pour l’instant. AxeMan interrompit sa tentative de dissiper la preuve de son passage dans le Temple et courut vers la porte. Ford n'était pas en vue depuis la porte, AxeMan sortit donc précipitamment de la salle du Conseil. Il eut juste le temps de passer derrière un pilier que Ford passa d’un pas vif pour rentrer dans la salle que lui-même venait de quitter.

- Bon, dit-il d'un ton dans lequel on pouvait sentir un énervement à peine dissimulé, voyons voir ça... quoi ?! Où ?!? Où est la baguette ?!! Bon, voyons ce qu'il reste de...

Tout en écoutant la voix du Ford afin de savoir s'il avait été identifié, AxeMan se précipita vers la porte du Temple et posa la main sur la porte. Au bout de cinq secondes durant lesquelles il espéra que Ford n'allait pas sortir de la salle du Conseil, et pendant lesquelles il jura contre celui qui avait créé le sort posé sur la porte, la sensation de chaleur commença à envahir son corps, puis, alors que la sensation de froid remplaçait la chaleur, il entendit Ford crier très distinctement.

- Une robe rouge !!! Mais alors... un Gardien ?!?

Et AxeMan fut projeté hors du Temple mais parvint à atterrir sur ses pieds de l'autre côté tout en chancelant un peu. Il regarda autour de lui et se précipita le long du chemin qui s'enfonçait dans le bois entourant le Temple afin de rejoindre le quartier-général des Gardiens le plus vite possible.



* * *



Le Fondateur et AxeMan déambulaient sur un chemin proche du Temple, leurs visages étaient détendus, même si celui d'AxeMan affichait une légère expression indiquant qu'il se demandait pourquoi le Fondateur lui avait demandé de venir.

- Pourquoi sommes-nous là ? demanda finalement AxeMan.
- Pour te confier ce pourquoi tu t'es engagé à remplir quand tu as rejoint les Gardiens, répondit le Fondateur d'un ton calme.
- Mais..., s'étonna AxeMan, je fais déjà ce qui est demandé. J'entretiens les manuscrits et je patrouille autour du Temple. Il n'a jamais été fait mention d'autre chose.
- En effet, acquiesça le Fondateur. C'est parce que cette tâche ne fait pas partie des tâches officielles des Gardiens, même si elle est la raison même pour laquelle j'en ai demandé la création.
- Et combien de personnes dans les hautes sphères sont au courant ?
- Sans me compter, une. Mais ne nous éloignons pas du sujet. Que penses-tu de l’Empire ?
- Euh... c'est-à-dire ?
- Non, oublie ça. Si je te disais que certains Policiers font parfois le contraire de ce qu'on leur demande de faire, comment réagirais-tu ?
- Mais... ce sont des accusations très graves.
- Oui, se contenta de dire le Fondateur.
- En avez-vous la preuve ?
- Je pense que c'est le cas, en effet. Mais ce n'est que la partie pas tout à fait émergée d'un iceberg que personne ne voit encore.
- En clair, ça donne ?
- En gros, malgré ce pourquoi je suis venu ici, malgré ce pourquoi j'ai aidé cette communauté à se développer, des gens complotent pour prendre le pouvoir par la force dans l'Empire. Et un d'eux fait partie du Conseil même.
- Quoi, mais... qui ? Et qu'est-ce que vous comptez faire ?
- Ford. Quant à ce que l'on va faire, rien de plus que ce que l'on fait pour l'instant. Il faut simplement que tu sois attentif aux mouvements de la Milice.
- La Milice ?
- Oui, le groupe de révolutionnaires dirigé par le Saigneur. Il faut que tu fasses tout pour les empêcher de collecter des informations sur le Temple.
- Mais, si Ford est avec eux, cela ne changera rien.
- Ford ne leur fournit, me semble-t-il, que des informations sur ce qu'il se passe en ville. Il n'en est pas arrivé à un point de volonté de renversement de l'Empire. Et il est aussi tenu par les Serment des Consuls, mais c'est une autre histoire. Je préfère me dire ce que j'ai dit juste avant. Il faut aussi que tu cherches des informations sur leurs activités, ce qu'ils envisagent de faire.
- Et cela servira à quoi ?
- A pouvoir tenter de les empêcher de faire ce qu'ils veulent.
- Et à les attaquer à la base ?
- Non. Nous n'attaquons pas, nous défendons.
- Mais, on dit que la meilleure défense est l'attaque.
- Et je ne fais pas confiance à toutes ces expressions. Les attaquer de front ferait du bruit dans la capitale et les gens seraient au courant de tout. Or, c'est entre la Milice et nous que cela se passera, et personne d'autre ne doit être impliqué. Mais ne t'inquiète pas, tout cela fait partie d'un plan à plus large échelle.
- Quel plan ?
- Tu le sauras le moment venu.
- Bien, dit AxeMan d'un ton peu convaincu. Mais, ces renseignements, où les trouverai-je ?
- Dans le Temple, répondit simplement le Fondateur.
- Mais je ne peux...
- Ne bouge pas et dans un instant tu ne pourras plus ne pas pouvoir.

Le Fondateur sortit sa baguette et récita une formule extrêmement longue, la baguette pointée vers le ciel. Après une minute passée dans cette position, des étincelles bleues et argent se mirent à tourbillonner autour du Fondateur qui pointa alors sa baguette sur AxeMan. Les étincelles migrèrent et pénétrèrent en lui.

- Maintenant, tu peux, dit le Fondateur en rangeant sa baguette. Mais sache que tu es le premier et le dernier que j'informe de ça. Tu le feras toi-même pour tous les autres Gardiens ou Gardiennes que tu juges prêts et dignes de confiance. Mais sache aussi que tu ne pourras leur permettre d'entrer dans le Temple.
- Bien. Et maintenant ?
- Maintenant ? Eh bien, retournons au quartier général, j'ai soif. Je boirais bien un café, pas toi ?



* * *



- Eh bien, tu ne réponds pas ? demanda Wood.

AxeMan se trouvait dans le salon de la taverne qu'il avait réservé ce soir-là pour informer Wood de l'existence de la Milice. Il se tenait debout, immobile devant la porte du salon et son regard vide était fixé sur le mur qui se trouvait en face de lui. Il tenta de se rappeler de la question que Wood lui avait posé, mais en vain.

- Euh... désolé. Pourrais-tu répéter la question, s'il-te-plaît ?
- Y'a-t-il une raison particulière pour que le Saigneur enquête sur les Gardiens ?

AxeMan regarda Wood tout en réfléchissant à ce qu'il allait lui dire. Il baissa les yeux avec un sourire gêné. Ce qu'il avait lui-même fait méritait une explication et il devait donc la vérité à Wood sur la manière dont il avait lui-même compromit le secret de la mission originelle des Gardiens. Il releva la tête et regarda à nouveau Wood dans les yeux.

- J'ai bien peur que oui.

mercredi 22 avril 2009

GdO 1 - La Milice

Chapitre 8

La Milice

Le reste de la journée se passa sans évènements notables, mis à part la visite rapide du premier Consul du Temple qui passa boire un café et discuter rapidement avec les Gardiens. 
Wood passa le reste de la journée en surveillance dans le Dôme. Il observa sans trop y faire réellement attention deux personnes qui discutaient d'un livre et qui semblaient être en désaccord quant à ce qu'il fallait en comprendre. Il pensait plus à ce que AxeMan pouvait bien vouloir lui dire ce soir-là. Cela devait sûrement avoir un rapport avec les Policiers, ou du moins, avec le Saigneur.
Wood regarda vers le local destiné aux gens qui voulaient écrire un livre afin de la mettre à disposition des personnes venant dans le Dôme. Il se rappela de l'incident entre l'Alchimiste et le groupe de Policiers dont il identifia à présent le chef comme étant le Saigneur. 
« Cette accusation est d'autant plus intéressante quand on voit qui la fait » avait dit AxeMan. Se pouvait-il que les accusations que Tolmok, le Meneur Fou, avaient prononcées contre lui soient vraies en fin de compte ? Le Saigneur n'avait-il pas avoué qu'il enfreignait la loi à son bon plaisir ? Et pourquoi les Policiers seraient-ils venus en force, à six contre un, pour arrêter une unique personne ? Et surtout, pourquoi le Saigneur enquêtait-il sur les Gardiens ?
Ce fut quand une des deux personnes s'écroula, touchée par une Stupéfixion de la part de la personne avec qui il discutait, que Wood sortit de ses pensées afin de mettre le responsable du sort hors du Dôme, sous ses protestations comme quoi il n'avait pas le droit de faire ça et que la personne qu'il avait stupéfixé n'avait pas à remettre en cause ce que lui-même disait. Wood referma la porte du Dôme sur des menaces de représailles, ce qui n'était pas la première fois. La majorité des fois, c'étaient des paroles en l'air, mais quelques fois, les menaces étaient mises à exécution, mais les quelques personnes concernées ne se souvenaient plus de ces incidents à présent.
Wood alla réveiller la personne évanouie, ce qu'aucun des trois autres lecteurs du Dôme n'avaient pris la peine de faire, bien qu'ils se soient interrompus dans leurs lectures au moment où le sort avait été jeté et pendant que le lanceur avait été raccompagné à la porte.
Il estima après cela qu'il pouvait partir pour la taverne, mais il passa rapidement chez lui afin d'enlever la robe rouge des Gardiens et de passer des vêtements plus communs. Au dehors, l'orage grondait toujours et Wood jura intérieurement contre le sort d'anti-transplanage placé sur l'Empire tout en rabattant la capuche de sa cape afin de se protéger de la pluie.
Si durant la journée, la ville pouvait laisser entrevoir quelques rares personnes dans les rues, le soir les rues étaient vides, les gens préférant ne pas sortir de la chaleur sèche de leur maison plutôt que braver la pluie de l'extérieur. Il atteignit la taverne assez rapidement et celle-ci était pleine. Les gens semblaient avoir palier à l'impossibilité de se promener dans la rue en venant tous là, et cela rendait la taverne pleine à craquer. Wood s'approcha du bar en jouant des coudes afin de se frayer un passage entre les différentes personnes.

- Bonjour monsieur, dit jovialement le tenancier. Qu'est-ce que j'vous sers ?
- En fait, je cherche quelqu'un, dit Wood en retirant sa capuche.
- Dites-moi qui, si ça se trouve, je le connais.
- AxeMan.
- Hmm, oui. Il a réservé un salon pour ce soir et il me semble qu'il est déjà arrivé. Le numéro 8, quatrième porte à gauche dans le couloir, indiqua-t-il en montrant le couloir au fond de la salle du doigt.
- Merci beaucoup.

Wood se rendit dans la salle qui lui avait été indiquée en se frayant un passage parmi la masse des clients et parvint à atteindre le long couloir rouge qui menait aux innombrables salons de la taverne. Quand il entra dans le salon indiqué par le tavernier, il vit AxeMan assis à l'unique table du salon.

- Ah, enfin, dit celui-ci. Assieds-toi.
- C'est étrange, dit Wood en observant la scène, cette situation me paraît familière.
- Sauf qu'aujourd'hui, je n'ai aucune raison de t'attaquer.
- Bien, dit Wood en s'asseyant en face de AxeMan. Je suppose que tout ce secret est justifié ?
- Oui. Et je compte sur toi pour que ce que je vais te dire ne sorte pas de cette salle.
- Tu deviens presque inquiétant, tu sais ? dit Wood en haussant les sourcils.
- Et ce n'est pas un sujet de plaisanterie.
- Bon, bon, d'accord.
- Bien, alors... par où commencer ?

AxeMan sembla réfléchir quelques instants tout en buvant une gorgée de bièraubeurre.

- As-tu déjà entendu parler de la Milice ?
- Euh... Non, il ne me semble pas. A part quelques personnes qui utilisent ce terme pour désigner les polices des quartiers résidentiels.
- Non, dit AxeMan en hochant la tête, ce n'est pas du tout ça. Dans notre cas, il s'agit plus d'un groupe de personnes qui se réunissent en secret.
- Un peu comme nous en ce moment ?
- Oui... et non. Leur but n'est pas du tout le même que nous. Nous cherchons à protéger le Temple, et eux cherchent à s'en emparer.
- Quoi ?
- Tu m'as bien compris. Il y a, dans les murs de l’Empire, un groupe de personnes cherchant à s'emparer du pouvoir. Du moins, c'est leur but à long terme.
- Et tu penses que c'est pour ça que le Saigneur est venu à notre recherche tout à l'heure ? Parce qu'il pensait que nous étions la Milice ?
- Non, dit AxeMan en secouant la tête, car le Saigneur est, sinon leur chef, un membre très haut placé dans la hiérarchie de la Milice.
- Quoi ? s'exclama Wood. Mais... il fait partie de la Police !
- Oui. Il semblerait qu'une partie de la Police fasse justement partie de la Milice.
- La Police ? Mais alors, la révolution il y a deux mois ? C'était vrai en partie, non ?
- En partie... ou plus.
- Tu ne veux pas dire que toutes les accusations étaient fondées ?
- Eh bien, si. Sauf que c'est la Milice qui aurait dû être visée et non la Police. Certains Policiers sont innocents de toutes les accusations qui ont été porté contre la Police. Mais les gens ne connaissent pas la Milice.
- Ils - les Miliciens - torturent certaines personnes ?
- Hélas, dit sombrement AxeMan. Mais ils les soumettent à un sort d'Amnésie, et ne peuvent donc se souvenir de rien. Mais aucune séquelle extérieure, ni même intérieure, n'est laissée. Nous n'avons pas encore pu déterminer où ont lieu ces séances, mais nous sommes certains du fait qu'elles ont réellement lieu.
- Et donc, ce Policier dans le parc il y a deux mois, il faisait partie de la Milice ?
- En effet.
- Et c'est donc pour cela que tu ne voulais pas le dénoncer à la Police ? Parce que certains d'entre eux font partie de la... Milice ?
- Oui. Si jamais tu le livrais, les autres membres de la Milice parmi les Policiers feraient de toi leur prochaine victime désignée.
- Et donc, l'Alchimiste... ?
- ... avait deviné une grosse partie de la vérité et commençait à inquiéter la Milice. Mais, comme je te l'ai déjà dit, il agissait en solitaire et avait pas mal... d'ennemis même ailleurs qu'au sein de la Milice. Si jamais on avait réussi à le recruter avant qu'il ne fut forcé de quitter l'Empire, il nous aurait été d'une aide précieuse. Le jour où la Milice a senti qu'il y avait un danger, le jour où Tolmok a commencé à vouloir soulever la population sans se douter de la vérité, ils ont voulu se… débarrasser de la seule personne qui, à leur connaissance, connaissait la vérité.
« Naturellement, l'agression du matin a permis au Saigneur de trouver une excuse, mais nous avons réussi à intervenir à temps.
- Pourtant, l'Alchimiste est parti, objecta Wood.
- Oui, c'est ce qu'il avait prévu de faire. Il me semble qu'il est allé voir ce que le Saigneur avait à lui dire ce soir-là et il avait prévu de s'échapper grâce à une potion explosive, ou un truc du genre. De toute façon, il était trop connu dans l’Empire pour faire partie des Gardiens.

Wood s'appuya sur le dossier de sa chaise et réfléchit sur ce qu'il venait d'entendre. Pendant ce temps, AxeMan l'observait.

- Mais, comment sais-tu tout ça ? demanda Wood après deux minutes. Je ne pense pas que la... Milice se targue d'exister en le disant à qui veut bien l'entendre.
- En effet. Là, on atteint un autre point délicat du sujet. Il n'y a qu'un endroit dans l'Empire où j'aurais pu avoir ces informations, ou tout de moins, les vérifier, sans les demander aux Miliciens eux-mêmes : le Temple.
- Ca va vraiment finir par être la soirée des révélations en tout genre, dit Wood en secouant la tête. Tout d'abord un groupe de conspirateurs secrets dont le Temple n'a que faire, et maintenant toi qui rentres dans le Temple alors que seul le Conseil peut y entrer. Je suppose que tu peux expliquer cela également ?
- Oui. Je reviendrai sur le premier point que tu soulèves après. Mais, pour rentrer dans le Temple, il faut en effet être Consul... ou alors avoir reçu, d'une certaine manière, l'autorisation d'y entrer de la part d'un Consul.
- Et, quel est celui qui t'a donné cette autorisation ?
- Le Fondateur.
- Et pour quelle raison ?
- Pour que j'aille vérifier par moi-même ses dires à propos de la Milice.
- Parce qu'il est au courant ?
- Bien entendu. Il fait partie du Conseil, et je ne pense pas qu'il y ait un seul membre du Conseil qui ignore son existence... à des niveaux plus ou moins élevés.
- A des niveaux plus ou moins élevés ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Ils n'ont pas tous autant la même connaissance de ce qu’est la Milice. Pour certains, il ne s'agit que d'un groupe qui s'amuse à mettre au point quelques méthodes pour prendre le pouvoir, juste pour s'amuser. Pour d'autres...
- Oui ?
- Eh bien, pour d'autres, la Milice est beaucoup plus qu'un simple passe-temps pour personne n'ayant rien à faire de leur journée.
- C'est-à-dire ? Ils connaissent la véritable nature de la Milice ?
- Oui.
- Et ils ne font rien ?
- Ce n'est pas aussi simple que ça.
- Pourquoi ?

AxeMan prit une grande inspiration avant de continuer.

- Parce que Ford fait partie de la Milice.
- Quoi ?!?
- Je pense que tu commences à apercevoir le problème.
- Mais... Ford fait partie du Conseil... A quoi est-ce que ça lui servirait de participer à un coup d'état ?
- Avoir plus de pouvoir, je pense, mais je ne sais pas vraiment.
- Et personne d'autre dans le Conseil ne sait qu'il fait partie de la Milice ?
- Il ne me semble pas.
- Et cette Milice existe depuis combien de temps ?
- Trois ans, il me semble. Je ne sais pas vraiment. Je ne suis dans l’Empire que depuis un an…

Wood soupira.

- Mais... je pensais que le Temple était une fenêtre ouverte sur l'Empire... Ils doivent bien le savoir.
- Le terme d'oreille ouverte sur l'Empire conviendrait mieux. Mais ce n'est pas aussi simple, encore une fois. Il n'existe qu'un seul endroit de l'Empire duquel le Conseil reçoit toutes les informations : la place Est. S'ils veulent savoir ce qu'il se passe ailleurs, ils ont un mur, le Mur de l'Ecoute, devant lequel il leur suffit de penser à un endroit pour entendre ce qu'il s'y passe ou à une personne pour entendre ce qu’elle dit. Mais il ne peut y avoir qu'une seul Ecoute à la fois et ce, afin de… limiter les pouvoirs du Temple.
- Limiter ? Alors qu’il peut écouter ce que nous faisons où que nous soyons ?

AxeMan haussa les épaules.

- Le Fondateur affirme qu’ils n’utilisent pas le Mur à des fins personnelles mais uniquement pour aider lors d’enquêtes.
- Et Ford ? protesta Wood.
- Les Consuls ne savent pas ce qu’il…
- Mais toi et le Fondateur avez bien découvert qu'il en faisait partie. Pourquoi les autres membres du Conseil ne l'ont-ils pas fait ?
- Eh bien, disons qu'il n'est pas naturel d'écouter ce qu'il se passe, par exemple, dans la cave du marchand d'animaux magiques pendant la nuit.
- Le... ? Il fait partie de la Milice ?
- Oui. Ce n'est pas un des plus puissants, mais un des plus encombrants. Il a une tendance à traîner où il ne devrait pas.
- Autour du Temple, je suppose ?
- Oui. Il est d'ailleurs dommage qu'il faille le soumettre au sortilège d'Amnésie à chaque fois.
- Vraiment ?
- Oui. Une nuit, il traînait dans la cour du Temple, sûrement pour reconnaître les alentours, et puis, il a aperçu Félix. Tu imagines, un homme dont la passion est les animaux magiques et qui voit un Tigre, sans nul doute magique, de belle taille, traîner autour du Temple... Il n'a pas pu résister et a tenté de le capturer. Déjà, il s'est pris un coup de crocs dans la jambe, et puis, tu aurais dû voir sa tête quand Félix s'est transformé en humain... C'est une image que je n'oublierai pas, je pense...
« Et la semaine suivante, pour rigoler un peu, j'ai capturé un des chats de la folle aux chats de l’Empire et je l'ai mis dans une des cages du magasin. La découverte du chat par sa propriétaire est devenue une des histoires préférées de notre cher hôtelier...
- Et pourquoi me révèles-tu tout ça seulement maintenant ?
- Et qu'aurais-tu fait si je t'avais averti plus tôt ? Par exemple, lors de ta confrontation avec le Saigneur, aurais-tu réussi à ne pas l'accuser ouvertement si je t'avais mis au courant avant que tu ne voies son arrogance ?
- De toute façon, on lui jette un sort d'Amnésie, donc on pourrait simplement voir sa réaction.
- Non. Le Saigneur est loin d'être stupide. Aujourd'hui, tu as joué avec ses nerfs, mais si tu lui avais avoué tout ce qu'il voulait et qu'en plus tu lui montrais que tu étais au courant pour la Milice, c'est lui qui t'aurait eu. Sur ce sujet-là, je le crois tout à fait capable de se contrôler pour garder le secret.
- Je vois, dit Wood d'un ton songeur. Qui est au courant de l'existence de la Milice ?
- Le Conseil, soit cinq personnes, les membres de la Milice, naturellement, soit une grosse vingtaine - ou une petite trentaine - d'après nos derniers comptes, et certains Gardiens.
- Certains Gardiens ? Lesquels ?
- Ca, je ne te le dirai pas.
- Mais tu viens de dire que Félix avait déjà eu affaire à la Milice.
- J’ai dit qu’il avait eu affaire à quelqu’un qui voulait le capturer en tant que tigre.
- Soit… pour quelle raison, ce secret ?
- Pour éviter que tu ne te mettes à parler de la Milice avec eux. Les oreilles du Temple peuvent être n'importe où... et les oreilles de Ford sont trop souvent sur nous.
- Mais... ne peut-il pas nous entendre ici ?
- Non, j'ai déjà fait le test. Les salons de la taverne sont créés magiquement au besoin au moment de l'ouverture de la porte du salon et ne sont pas reliés au Mur de l'Ecoute du Temple. Donc, si tu veux me parler d'un problème avec la Milice, soit tu pèses chaque mot avant de parler, soit tu me donnes rendez-vous ici.
- Bien, murmura Wood à moitié perdu dans ses pensées.
- Le groupe des Gardiens a été une proposition du Fondateur et a été créé pour ralentir autant que possible les plans de la Milice.

Wood leva les yeux vers AxeMan.

- Il n'a pas dit tout de suite ses intentions aux Gardiens, il n'avertit que les personnes les plus prometteuses, comme il dit. Et il n'en a touché mot qu'avec de très rares personnes. Le Premier Consul est, me semble-t-il, la seule personne en dehors de certains Gardiens à être au courant de cela.
- Et il ne peut rien faire ? Il ne peut pas arrêter purement et simplement tous les Miliciens ?
- Si les choses étaient aussi simples, il n'y aurait pas de problème. Mais tu imagines si, demain, les trois-quarts des Policiers et d'autres citoyens, pour certains appréciés par une grande partie de la population, étaient mis en prison pour 'complot contre le Temple' ?
- Je pense que je peux imaginer. Les gens perdraient confiance dans le pouvoir en place. Une nouvelle révolte pourrait prendre place et celle-ci ne pourrait pas être stoppée aussi facilement que la dernière....
- Voilà, dit AxeMan en se levant. Tu as compris le problème. Mais le fait de les laisser dehors leur donne l’impression d’être invisible et ils se renforcent…

Il se dirigea vers la porte et s'apprêta à sortir. Quand il posa la main sur la poignée, Wood se tourna vers lui.

- Et les Gardiens ? Ne peuvent-ils pas faire quelque chose de plus... important que ça vis à vis de la Milice ?

AxeMan s'arrêta et garda la main sur la poignée de la porte. Il ne dit rien pendant quelques secondes, puis il soupira.

- Non. Les ordres viennent du Fondateur. Nous menons une guerre, certes, mais une guerre de l'ombre. Le peuple ne doit pas être au courant et n'a pas à l'être... Je vais te répéter ce qu’il m’a dit. « Les Gardiens sont là pour empêcher la Milice de s’étendre. Les empêcher de reconnaître le terrain autour du Temple est la mission principale. Sans connaissance du terrain, ils ne pourront pas avoir de plan parfait. Toute autre action contre eux est à proscrire car elle attirerait immanquablement l’attention de la population sur vous et sur la Milice. »
- Et... tu penses vraiment que c'est suffisant de les repousser de l'enceinte du Temple quand ils s'approchent trop près ? Pour les empêcher d'arriver à leur fin, je veux dire ?

AxeMan lâcha la poignée de la porte et se tourna vers Wood pour le regarder dans les yeux. AxeMan sembla jauger Wood du regard et ce dernier cru apercevoir un feu ardent dans son regard. Ce feu ne correspondait pas à tous les conseils de prudence que celui-ci venait de prononcer et, quand AxeMan lui répondit enfin, Wood connaissait déjà sa réponse.

- Non, dit AxeMan avant de se retourner une nouvelle fois vers la porte.
- Et...
- Oui ? demanda AxeMan avant de se retourner encore vers Wood.
- Y'a-t-il une raison particulière pour que le Saigneur enquête sur les Gardiens ?

Le regard de AxeMan se vida du feu qui avait brûlé en lui quelques instants plus tôt et se fixa sur le mur d'en face qu'il regarda sans le voir pendant une longue minute. Puis, comme il ne répondait pas, Wood décida de lui rappeler sa présence.

- Eh bien, tu ne réponds pas ?
- Euh... dit AxeMan en secouant la tête puis en reposant son regard sur Wood. Pourrais-tu répéter la question s'il-te-plaît ?
- Y'a-t-il une raison particulière pour que le Saigneur enquête sur les Gardiens ?

AxeMan baissa le regard vers le sol tout en ayant un sourire étrange, presque gêné, puis il reposa une nouvelle fois le regard vers Wood, un regard totalement différent de celui que Wood lui connaissait.

- J'ai bien peur que oui.


samedi 18 avril 2009

GdO 1 - Le Saigneur

Chapitre 7

Le Saigneur

L'orage qui avait commencé continuait depuis une semaine et la surveillance des abords du Temple n'était pas des plus simples car il était difficile de distinguer les silhouettes parmi les trombes d'eau qui tombaient d'un ciel qui semblait ne plus jamais vouloir redevenir bleu. Car même malgré le fait que les arbres protégeaient un minimum de la pluie, les trombes parvenaient à percer le feuillage. 

Wood venait de faire une ronde autour du bâtiment et partit faire un tour en ville pour, entre autre, aller faire des courses après être passé chez lui rapidement afin de retirer les traces de boues qu'il s'était fait sur l'avant de sa robe en glissant dans l'herbe mouillée du parc du Temple.
Les rues de la capitale étaient vides sauf si l'on considérait les quelques courageux qui couraient dans la rue, le manteau au-dessus de la tête, bravant les éléments afin de se rendre au magasin le plus proche.
Alors qu'il passait devant l'hôtel où il avait dormi durant les premiers temps, l'hôtelier lui fit signe de la main. Wood le vit et, en soupirant, rentra dans l'hôtel pour saluer l'hôtelier (et surtout discuter avec lui – car il savait qu’il n’allait pas y échapper - comme celui-ci adorait le faire avec n'importe qui).

- Alors m'sieur, comment vous allez c'jour ? demanda-t-il dès que Wood eut passé la porte.
- Bien, et vous ? répondit Wood du ton le plus jovial qu'il pouvait.
- Oh, vous savez, pas pire que d'habitude. Et comment ça s'passe vot' boulot ? Vous aimez travailler avec les chargés d'entretien ?
- Tout à fait. Je dois avouer que, même s'il ne le paraît pas au premier abord, ce métier est très enrichissant.
- Z'êtes si bien payé qu'ça, m'sieur ? demanda l'hôtelier en haussant les sourcils.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire. En fait, le métier est très intéressant.
- Et au niveau d'vot' salaire m'sieur ?
- Bah, un salaire moyen, dit Wood en haussant les épaules. Comme vous devez vous en doutez, ils ne vont pas se ruiner pour leurs... chargés d'entretien.
- Et vot'logement vous convient m'sieur ?
- Eh bien... ce n'est pas le grand luxe, mais on s'y fait à force.
- Si c'est pas indiscret, est-ce que j'peux vous d'mander où vous habitez ?
- Euh... vous voyez la Rue Interdite juste à côté du Temple ?
- Celle avec les maisons dans un tel état que même les termites en veulent plus ?
- Voilà, eh bien les... chargés d'entretien habitent dans les premières maisons de la rue.
- Vous vous moquez de moi, m'sieur ?
- Est-ce que j'ai une tête à mentir ?
- Non, mais ces maisons sont tell'ment..., commenta l'hôtelier avec ce qui semblait être un sourire goguenard. Et vous êtes sûr de ne pas vouloir loger à l'hôtel, m'sieur ?
- Parfaitement.
- Mais, le confort y s'rait nett'ment meilleur.
- Je n'en doute pas, mais, voyez-vous, je n'ai pas le choix en ce qui concerne mon logement. Il m'est imposé.
- Mais, par le temps qu'il fait, vous d'vez être inondé.
- Bah, vous savez, on s'y fait à force, dit Wood d'un ton indifférent. Et puis, on trouve toujours un endroit sec.
- Bon, bon. En tout cas, à chaq'fois que j'vous voie, il y a quelqu'chose qui n'tourne pas rond en ville...
- Vraiment ? s'étonna Wood.
- Oui. Quand vous êtes arrivés, il y avait une sorte de révolution et c'était la première fois que je voyais ça et maintenant, il y a un orage qui n'veut pas partir...
- Euh... dites-moi, vous vous souvenez de tout le monde comme ça ?
- Parfait'ment bien. T'nez, indiqua l'hôtelier en montrant une femme relativement âgée qui passait devant la vitrine de l'hôtel, vous voyez la femme qui passe d'vant l'hôtel, elle passe son temps à perdre ses chats. D'ailleurs, un jour, elle en a r'trouver un chez l'marchand d'animaux, et il était à vendre. Elle a fait un scandale énorme. Et l’marchand qui lui sout'nait qu'il avait r'trouvé l'animal dans la cage en compagnie des autres chats le matin-même et qu'il n'savait comment il était arrivé là...
« D'ailleurs, ce même marchand part certaines nuits pour aller à la chasse afin de trouver des animaux pour sa boutique. Eh bien, figurez-vous qu'une nuit, y’a pas si longtemps, il est rev'nu en boitant et incapable de s'souv'nir ce qu'il avait fait pendant la nuit. Je suis sûr qu'il était tombé sur un scarabée doré. Vous savez qu'ils peuvent lancer des sorts qui mélangent ceux de Jambencoton et d'Amnésie ? En tous cas, ça correspond à c'qu'il avait le pauvre bougre. D'ailleurs, quand je dis pauvre, c'est une façon de parler parce qu'il gagne bien sa vie. 
« Eh ! s'interrompit l'hôtelier en montrant un homme et une femme qui passaient en courant devant l'hôtel. Vous voyez le couple qui passe dehors, eh bien c'est justement chez lui qu'ils se sont rencontrés. Ils voulaient tous les deux ach'ter une salamandre de feu, mais il n'en restait plus qu'une à la boutique alors ils ont commencés à s'disputer pour savoir qui aurait cette pauvre salamandre. Et là, vous n'me croirez jamais, mais deux s'maines plus tard, ils étaient ensemble. C'est incroyable c'genre de choses, n'est-ce pas ? C'est un peu comme dans toutes ces histoires de Moldus, les contes à faire, j'crois...
-Conte de fée, lui indiqua Wood.
-Voilà, c'est ça. Mais toutes les histoires ne sont pas aussi roses que ça, m'sieur. Déjà, leur salamandre est morte moins d’une semaine plus tard et… Tenez, y'a un couple qui habitait pas loin qui...

Wood écoutait l'hôtelier débiter son histoire en l'écoutant d'une oreille quelque peu distraite. Il se contentait d'acquiescer de temps à autre d'un simple hochement de tête. Cet homme avait une mémoire monstrueuse et était capable de rendre compte de quasiment tous les faits et gestes des gens, bien qu'il se basait essentiellement sur ce que les personnes concernées - ou non - lui disaient. Mais il arrivait tout de même à un degré de précision élevé quant aux activités de chacun dans l’Empire.
Néanmoins, en ce qui concernait les Gardiens, il semblait ne pas avoir de connaissances particulières, et il s'en tenait à la version officielle. Celle-ci avait été dite à Wood assez rapidement, notamment en ce qui concerne les logements. Les Gardiens ne logeaient pas, comme le voulait la rumeur dans les maisons délabrées de la rue interdites, mais dans les maisons près de leur quartier général, qui présentaient l'avantage, entre autre, de ne pas prendre l'eau par temps pluvieux.
L'hôtelier continua de parler pendant de longues minutes sans s'interrompre ni même réfléchir à ce qu'il disait, reprenant à peine son souffle mais ne semblant pas en manquer, parlant de différents ragots actuels de l’Empire et d'une personne qu'il soupçonnait de vouloir faire tuer sa tante en passant par une sombre affaire de chaudron qui fuyait.

- ...et là, tenez-vous bien m’sieur, dit l'hôtelier d'un ton théâtral, il n'est plus jamais retourné chez lui.
- Ah... Bon, je suis désolé de partir comme ça, mais j'ai à faire.
- Ca n'fait rien, m'sieur. Ca fait toujours plaisir de parler à des personnes intéressées.

Enfin débarrassé de lui, pensa Wood une fois de retour sous la pluie, je ne sais pas qui lui a lancé un sort de bavardage à sa naissance, mais c'était une très mauvaise idée
Il fit rapidement ses courses puis retourna vers le Temple avec ses provisions dans un sac à dos « sans-fond », qui, contrairement aux croyances ne pouvaient pas contenir une quantité illimitée de choses, mais qui avait l’avantage de bien les protéger de la pluie. Alors qu'il montait le chemin menant au sommet du plateau du Temple, la pluie redoubla d'intensité et la visibilité baissa d'autant. Il accéléra sa marche à la limite du pas de course tout en longeant au plus près le mur formé par la falaise à sa droite afin d'être sûr de ne pas se trouver trop près du point de chute. Quand il arriva à l'entrée de la rue interdite, un éclair zébra le ciel et fut immédiatement suivit par le tonnerre. A la lueur de l'éclair, il lui sembla avoir aperçu une silhouette quelques mètres devant lui dans la rue et il se dirigea vers l'endroit où il avait entrevu l'ombre car toute personne autre qu'un Gardien ou qu'un Consul n'était pas autorisée à rentrer dans la rue interdite.
Mais la pluie tombait avec de plus en plus d'intensité et le vent se mit à souffler, si bien que Wood ne put conserver son rythme de marche, le vent le ralentissant et la pluie lui fouettant le visage si bien qu'il était obligé de froncer les yeux pour que les gouttes ne lui rentrent pas directement dans les yeux. Un nouvel éclair illumina les alentours et, dans le peu qu'il pouvait voir, Wood ne distingua aucune silhouette. Mais, ne pouvant aller plus loin du fait de l'orage, et bien qu’il se trouvait à moins de cent mètres de sa destionation, il fut contraint de se réfugier dans la plus proche des maisons délabrées, dans l'espoir d'une éventuelle accalmie.
A l'intérieur, les murs en bois étaient dans un état qui permettait au vent de passer, même quand le mur paraissait hermétique. De tels morceaux de murs étaient très difficiles à trouver dans cette maison et la pluie en profitait pour passer elle aussi par les fentes et les pans de murs manquant. Wood finit par trouver un endroit à peu près sec et qui n'était pas touché par le vent dans un coin de la maison qui devait autrefois être un salon car une vieille table en bois accompagnée de deux chaises du même âge s'y trouvait. Une grosse fissure parcourait le bois de la table et il manquait le dossier de l'une des deux chaises. Il s'assit à côté de la table, sur la chaise qui était dans le meilleur état et sortit un jeu de cartes moldues afin de s'occuper en attendant.
La maison autour de lui grinçait avec le vent qui lui-même sifflait en s'infiltrant par les fentes du bois et il se rendit compte qu'il était heureux qu'il ne logeât pas là car il lui aurait été impossible ne serait-ce que de dormir à cause du bruit que faisait le vent et de celui que faisait la maison à cause du vent. 
Cependant, parmi tous ces bruits, il lui sembla entendre un bruit semblable à des pas de pas au-dessus de lui et il se leva tout en sortant sa baguette afin d'aller vérifier la source de ce bruit. Au moment où il se levait, il entendit un bruit semblable dans la salle voisine et, allant voir, vit une branche d'arbre, probablement tombée d'un arbre bordant la maison, au sol, jouant avec le vent. Il soupira avant de monter à l'étage. Il n'y vit personne qui aurait pu produire les bruits de pas. Il ne vit également aucun objet ou meuble qui auraient pu produire ce son, le premier étage en étant vide.
Wood redescendit et retourna dans la salle où il s'était installé. Quand il y arriva, il eut la surprise de voir un homme portant la robe bleue des policiers installé à la table sur la chaise que Wood venait de quitter en train de finir la partie de solitaire qu'il avait commencé. Il avait un visage fin et ses cheveux bruns étaient détrempés.

- Excusez-moi, s'exclama Wood.

L'homme se retourna et Wood reconnut en lui le Saigneur. Celui-ci était assis et paraissait assez décontracté malgré l'orage qui grondait et le fait qu'il était complètement détrempé, ses yeux brillait d'un éclat d'une joie qui différait de la joie que l'on pourrait qualifier de normale, et il souriait.

- Oui ? répondit-il d'un ton décontracté tout en semblant jauger Wood du regard.
- Qu'est-ce que vous faites ici ?
- C'est exactement la question que j'aimerais vous poser, répliqua le Saigneur en conservant son sourire.
- Je suis chez moi, il me semble.
- Chez vous ? 

Le Saigneur haussa les sourcils tout en regardant autour de lui avec un sourire moqueur.

- Dans ce cas, excusez-moi de vous le dire, mais vous vous contentez de peu en ce qui concerne le mobilier.
- On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, répliqua Wood.
- Bien entendu, sourit le Saigneur. Mais ne restez pas debout comme ça, ajouta-t-il en indiquant le second siège, asseyez-vous.
- C'est étrange, dit Wood en haussant les sourcils mais en s'asseyant tout de même, mais quand quelqu'un s'introduit chez moi, j'aurais imaginé que c'était à moi de l'inviter à s'asseoir.
- Bien entendu, bien entendu, fit celui-ci tout en mélangeant le jeu de carte. Une petite bataille explosive pour tuer le temps ?
- Pourquoi pas. Seulement, ces cartes ne sont pas magiques.
- Eh bien, nous nous contenterons d'une simple bataille, répondit le Saigneur en souriant alors qu'il distribuait. C’est moins passionnant, mais…
- Soit. Une bataille, alors. Mais cela ne répond pas à ma question.
- Oh, naturellement, naturellement, dit le Saigneur en souriant toujours. Eh bien, je faisais une ronde dans le coin, et j'ai été surpris par l'intensité soudaine de la tempête et je me suis réfugiée dans la première maison que j'ai pu atteindre.
- Je vois, marmonna Wood tout en posant une carte sur la table. Vous avez donc pu atteindre en premier la troisième maison de la Rue Interdite ? Ah, bataille, ajouta Wood à mi-voix en retournant sa carte.
- En quelque sorte, admit le Saigneur sans se défaire de son sourire. Je dois vous avouer également que j'ai toujours été très curieux de savoir où les personnes qui restaurent les manuscrits du Dôme logent.
- Eh bien, maintenant, vous le savez.
- Oui, bien entendu, bien entendu. Mais j'espère que vous ne m'en voulez pas pour m'être introduit de telle manière chez... ah... chez vous ? Bataille.
- Je dois avouer que j'ai été un peu surpris de vous trouvez assis à ma table -
- ... Qui est, avec ces deux chaises, le seul meuble que vous possédez, dit le Saigneur d'un ton abrupt sans pour autant perdre son joie, la lueur de joie s'intensifiant dans son regard.
- Pardon ?
- Vous ne pouvez quand même pas me dire, dit le Saigneur d'un ton innocent en conservant son sourire, que vous dormez à même le sol ? Bataille.
- Je pense que mon mobilier ne regarde personne d'autre que moi, n'est-ce pas ?
- Bien entendu, bien entendu, mais de là à avoir un tel manque des choses les plus... nécessaires...
- Et vous-même, vous êtes au courant que vous enfreignez la loi rien qu'en étant ici ?
- J'ai déjà enfreint la loi tellement de fois lors de certaines de mes enquêtes, qu'une fois de plus ne sera rien.
- Parce que vous enquêtez en ce moment ?
- Ce n'est pas tout à fait ce que je voulais dire...
- Ou alors, enfreignez-vous la loi à d'autres moments que durant vos enquêtes ? Bataille.
- Bien, bien, bien, dit le Saigneur à mi-voix en perdant pour la première fois son sourire. Si vous me permettez l'expression, jouons cartes sur table, ajouta-t-il d'un ton sec.
- Et à quel propos ?
- Ne vous moquez pas de moi, vous savez très bien que vous n'habitez pas ici.
- Vraiment ? railla Wood. On m'en aurait informé, à moins que le hibou qui transporte la lettre ne se soit perdu avec cette tempête.
- Bon, je vois le truc, dit le Saigneur d'un ton sec en posant son tas de cartes. Je vais donc y aller franchement : où logez-vous, ainsi que tous vos collègues Gardiens ?
- Pardon ? dit Wood en posant lui aussi son tas de carte.
- Vous m'avez parfaitement compris.
- Et en quel honneur voulez-vous savoir cela ?
- Bien, bien, bien. Je vais jouer votre petit jeu également.
- Si vous voulez, mais vous ne jouez plus à la bataille ? demanda Wood en arborant un sourire semblable à celui que le Saigneur avait quelques minutes auparavant.
- Au diable, la bataille ! 
- Comme vous voudrez, dit Wood en regroupant toutes les cartes pour les remettre en tas. Que disiez-vous ?
- Vous et les chargés d'entretien vous donnez bien le nom de Gardiens entre vous, n'est-ce pas ?
- En quoi cela vous intéresse-t-il ?
- Est-ce le cas ?
- Si ça l'est, est-ce un crime ?
- Non, mais...
- Dans ce cas, oui, nous nous donnons le nom de Gardiens.
- Et Gardiens de quoi ?
- Eh bien, Gardiens du Dôme, des écrits qu'il contient. Un nom un peu grandiloquent, je vous l'accorde.
- Ne serait-ce pas plutôt Gardien du Temple ?
- Mais, pourquoi une telle idée ? C'est à vous de protéger le Temple, pas à nous.
- Nous sommes d'accord sur ce point. Où logez-vous ?
- En quoi est-ce que cela est important ?
- C'est à moi d'en juger.
- Si vous le dites, répondit Wood tout en conservant son sourire.
- Bon, vous le prenez comme ça, s'énerva le Saigneur en se penchant sur la table. Alors, est-il vrai que vous logez plus loin dans la rue interdite dans des maisons d'aspect neuf ?
- Vous savez, il n'est pas bon de s'énerver comme ça.
- Répondez !
- Vous semblez suffisamment sûr de vous-même pour ne pas avoir besoin de réponse.
- Bien, et est-il vrai que vous complotez pour prendre le pouvoir ?
- Quoi ? dit Wood d’un ton innocemment étonné.
- Ca vous étonne que je le sache.
- Oh, répondit Wood avec un grand sourire, ce n'est pas ça. Mais vous m'annoncez tellement de choses sur notre compte qu'il va me falloir en informer les autres.
- Les autres ?
- Eh bien oui, les autres Gardiens. Ca va leur faire un choc quand je vais leur dire que nous avons changé de lieu d'habitation et que nous complotons des choses horribles...
- Vous vous foutez de moi, c'est ça ? explosa le Saigneur.
- Je me posais exactement la même question.

Le Saigneur se mit la main devant les yeux et respira profondément. Puis, quand il sembla quelque peu calmé, il reprit.

- Bon, ça ne fait rien, j'ai quand même vos aveux.
- Mes aveux ? s'étonna Wood. A quel sujet ?
- Au sujet de votre lieu de logement.
- Vraiment ?
- Vous ne m'avez pas démenti.
- Ca avait l'air de vous faire tellement plaisir que je n'ai pas osé le faire.
- Bon, je vois, dit le Saigneur en mettant sa main dans sa poche. Tant pis, mais je pense que je ne tirerai rien de plus de vous. Bon, eh bien il vous reste le fait que vous oublierez bien vite m'avoir raconté tout ça.
- Vous m'enlevez les mots de la bouche.
- Pardon ?
- Eh bien, en ce qui concerne le fait que vous ne vous souviendrez de rien de ce que vous m'avez dit.
- Ben voyons, je ne pense pas que... bon sang, où est...
- Vous cherchez peut-être ceci ? dit Wood en sortant deux baguettes de dessous la table.
- Ma ba... Comment avez-vous... ?
- Je vous avais dit qu'il n'était pas bon d'être aussi énervé, vous n'avez même pas senti quand j'ai Attiré la baguette qui se trouvait dans votre poche.
- Soit, vous marquez un point, mais ce n'est que partie rem -
- Oubliettes, dit Wood en pointant sa baguette vers le Saigneur qui eut un regard vide pendant quelques instants. Je suis vraiment désolé de vous couper la parole, mais vous êtes vraiment épuisant à force. Bon, je vais faire un geste, je vous raccompagne à l'entrée de la rue, l'orage s'est légèrement calmé.

Wood ramena le Saigneur à l'entrée de la rue interdite puis retourna le long de la rue pour atteindre le quartier général des Gardiens. Dans la salle de détente, il trouva AxeMan et Félix en train de discuter à propos de leur dernier combat d'entraînement qui semblait avoir été encore gagné par Félix. Wood alla les rejoindre et leur raconta sa rencontre avec le Saigneur. Les deux autres semblèrent assez intéressés par ce que Wood leur disaient, puis quand celui-ci eut fini, il leur demanda :

- D'après vous, comment a-t-il su où nous vivions en réalité et notre activité ?
- C'est assez troublant, en effet, dit AxeMan d’un ton trop neutre. Les seuls au courant de nos agissements sont les Gardiens et le Temple. En même temps, je ne sais pas en quoi savoir cela devrait l'inquiéter. Il devrait être content, en tant que policier, de ne pas être le seul à s'occuper du Temple...
- Moui, dit Félix d'un air songeur. Mais il y a également cette accusation de complot contre le Temple... Tu as eu raison dans ce que tu lui as dit, Wood, j'aime bien être au courant de mes activités...
- Cette accusation est d'autant plus intéressante, continua AxeMan, quand on voit qui la fait...
- C'est-à-dire ? demanda Wood.
- Eh bien, c'est quand même le Saigneur, le policier qui n'a jamais été capable de ne pas violer la loi dans n'importe laquelle de ses enquêtes...
- ... et qui s'en vante, ajouta Wood. Il avait presque l'air fier quand il m'a dit cela tout à l'heure.
- Je pense qu'il avait prévu de te soumettre au sortilège d'Amnésie depuis le début. Il n'était pas question, je pense, de te laisser partir en sachant un certain nombre de choses dont il est accusé mais dont personne n'a jamais réussi à avoir la preuve.
- Mais s'il sait tout ce qu'il m'a dit, ne serait-il pas plus sûr de lui changer ses souvenirs ? demanda Wood.
- Peut-être que si, dit Félix. Mais le Fondateur se refuse d'utiliser de telles méthodes.
- Mais nous effaçons bien quelques souvenirs...
- ... mais de là à les changer. Non, nous sommes là pour défendre l'accès au Temple, pas pour rendre les gens dociles.
- Je comprends...

A ce moment, Félix se transforma en tigre et la porte de la salle de détente s'ouvrit et un homme vêtu de la robe blanche du Conseil entra. Il avait les cheveux bruns mi-long et un bouc. Wood reconnut en lui le porte-parole du Conseil, Robin Ford. Celui-ci regarda autour de lui et aperçu les deux Gardiens humains et le tigre assis à une table au fond de la salle et discutant à voix basse. Il les rejoint tout en faisait un détour par la machine à café pour s'en servir une tasse. 

- Eh bien, messieurs, dit-il en s'asseyant à leur table, comment allez-vous ?
- Très bien Robin, répondit AxeMan. Et vous ?
- Mon moral va mieux que le ciel, heureusement.
- Ce n'est pas trop dur. Il nous fait se crise depuis une semaine et il ne semble pas vouloir redevenir normal d'ici longtemps.
- Bah. Ca finira par passer. Sinon, avez-vous des activités bizarres à rapporter au Conseil ?
-Eh bien... commença Wood qui fut interrompu par un coup de pied d'AxeMan dans les tibias.
-Non, finit celui-ci. Rien de particulier, à part deux-trois gamins qui viennent ici par jeu...

Wood regarda AxeMan et celui-ci fit secoua la tête de manière quasiment imperceptible.

- Très bien, dit Ford en buvant son café. Mais, vous vouliez dire quelque chose, non ? ajouta-t-il en se tournant vers Wood.
- Eh bien, je me demandais s'il était vrai que notre café était meilleur que celui du Temple ?

Ford haussa les sourcils mais sourit.

- Oui, répondit-il après avoir fini sa tasse. La qualité est de loin supérieure, je n'ai toujours pas compris pourquoi d'ailleurs, on se fournit au même endroit... Sûrement un coup du Fondateur, je pense, mais je n’ai pas encore réussi à le prendre la main dans le sac. Bon, je ne vais pas abuser plus longtemps de votre hospitalité, ajouta-t-il en se levant.
- Eh bien, au revoir, dit AxeMan.

Ford sortit de la salle et ils entendirent la porte d'entrée du bâtiment s'ouvrir puis se fermer. Wood se tourna vers AxeMan.

- Pourquoi m'as-tu empêché de lui parler du Saigneur ?
- Pour plusieurs raisons.
- Qui sont... ?
- Tout d'abord, nous évitons de parler de toutes les intrusions, et plus particulièrement de celles des policiers.
- Et pourquoi ?
- Parce que, dans leur règlement, il n'est pas interdit aux policiers de rentrer dans la rue interdite ou de pénétrer dans l'enceinte du Temple. C'est dans notre règlement qu'il est marqué que toute autre personne qu'un Gardien ou que le Conseil ne peut avoir accès à ces endroits.
- Donc, le Saigneur ne faisait rien d'illégal en se rendant dans la rue interdite.
- Pas de son point de vue, mais du nôtre, si. Par contre, il lui est quand même interdit de pénétrer dans les maisons de la rue.
- Et il ne nous faut pas rapporter au Temple ce genre d'agissement ?
- Pas quand le Temple ignore que nous plaçons un sort d'amnésie même sur les policiers.
- Je vois... Et les autres raisons ?
- Pour ça, je ne pense pas que nous soyons au meilleur endroit. Rejoins-moi ce soir à la taverne. Nous y serons plus à l'aise pour parler.

mercredi 15 avril 2009

GdO 1 - Les Gardiens

Chapitre 6

Les Gardiens

- Votre journée s'est bien passée, m'sieur ?
- Il y a déjà eu pire.
- Allons bon. Qu'est c'qui vous est arrivé ?
- Oh... Un entretien d'embauche assez particulier, je dois avouer.
- Z'avez décidé de prendre un travail ?
- Oui, je ne pouvais pas rester éternellement dans l'oisiveté. De plus, l'argent ne rentre pas tout seul...
- Et vous avez été pris, m'sieur ?
- Il semblerait.
- Et j'peux vous d'mander où c'est qu'vous allez travailler ?
- Oui, je vais travailler en tant que restaurateur de livres, au Dôme.
- Un d'ces chargés d'entretien ? 

L'hôtelier se retint de rire.

- Enfin, vous savez, y'a pas de sot métier comme on dit.
- Oui, en vous écoutant parler, j'en suis de plus en plus persuadé, dit Wood à mi-voix.
- Pardon ?
- Hmm ? Je disais que vous aviez sans doute raison. Mais que voulez-vous, il faut bien commencer quelque part.
- J'aurais pu vous prendre à l'essai, vous savez. Z'avez l'air d'un solide gaillard.
- J'y réfléchirai si le travail ne me plaît pas.
- Bien entendu, mais n'hésitez surtout pas à v'nir pour ça. Et sinon, z'allez rester une s'maine de plus ?
- Euh...

Wood se rendit compte que AxeMan ne lui avait pas parlé du logement des gardiens, et que lui-même n'avait pas pensé à ce détail.

- Parce que, vous savez, les chargés d'entretien, pour l’boulot qu'y font, ils doivent pas avoir une piaule de qualité, alors si vous voulez rester...
- C'est gentil de votre part, dit Wood - et surtout très intéressé pensa-t-il - si jamais le logement proposé ne me plaît pas, je reviendrais ici.

Wood prit congé de l'hôtelier et monta se coucher. Ce n'était pas que ce dernier était désagréable, mais entendre parler à longueur de journée des ragots de l’Empire n'avait rien de plaisant à la longue. Le fait de savoir que deux personnes étaient ensemble pouvait être intéressant au début, mais en entendre parler tout le temps était une autre affaire. C'était comme si l'hôtelier attirait tout le monde et tous les ragots. Les gens venaient souvent lui confier leurs problèmes personnels, et lui racontait tout à tout le monde. C'était d'ailleurs une des raisons pour laquelle Wood ne racontait presque rien de sa vie privée à l'hôtelier : il n'avait pas besoin que n'importe qui puisse savoir ce qu'il faisait à chaque instant.
Pendant la nuit, Wood se demandait ce qu'il ferait exactement à partir du lendemain. Il ne se sentait pas vraiment à l'aise à l'idée de devenir une sorte de gardien du Temple. Lorsqu'il s'était rendu à ce rendez-vous, il ne pensait pas à ce genre de choses. Et puis, il avait encore des doutes quant à certaines réponses d'AxeMan à ses questions, notamment sur la manière dont il s'informait de l'existence d'agressions préméditées.
C'est avec ces questions dans la tête qu'il se réveilla avant l'aube le lendemain matin. Il se prépara rapidement et descendit les escaliers. L'hôtelier l'avait averti que, si jamais il devait sortir pendant que lui-même dormait, il fallait utiliser sa baguette pour ouvrir la porte, les baguettes des clients étant préalablement enregistrées afin que la porte ne réagisse qu'à celles-ci. Wood sortit donc sa baguette et se dirigea vers la porte.

- Vous vous en allez déjà, m'sieur ?

Wood sursauta et tourna sa baguette vers la personne qui venait de parler.

- Faut pas être si nerveux, m'sieur, dit l'hôtelier d'un ton calme.
- Désolé, répondit Wood en rangeant sa baguette. L'agitation de ces derniers jours m'a mis un peu sur la défensive. Mais vous ne dormez jamais ?
- Quasiment plus, m'sieur. Mais vous même ? Vous n'êtes pas en train de dormir ?
- Apparemment non.
- Puis-je vous demander pourquoi ?
- Vous pouvez, en effet, rétorqua Wood avant de partir.

Bon sang, pensa-t-il, il est toujours à l'affût du moindre mouvement ou quoi ? 
C'était également un des défauts de l'hôtelier. Il semblait toujours vouloir savoir ce que faisait les autres et était prêt à interroger les gens sur leur vie privée et il n'était pas rare que certaines personnes lui répondent. On l'avait entendu un jour en train de raconter une histoire que les personnes qu'elle concernait auraient préféré ne pas voir éclater au grand jour.
Il traversa la ville endormie et silencieuse. Quand il arriva au niveau du Dôme, le jour commençait à se lever et le soleil apparaissait à l'horizon. Devant la porte, AxeMan l'attendait et avança à sa rencontre.

- Déjà là ? dit-il en haussant les sourcils. Je ne t'attendais pas avant une demi-heure.
- Les circonstances actuelles ne me permettaient pas de conserver mon sommeil.
- Je comprends. Bon, suis-moi.

AxeMan se dirigea vers la Rue Interdite, celle qui s'ouvrait en arrivant en haut du plateau du Temple. L'état des premières maisons laissait à désirer. C'était à peine si les maisons en bois pouvaient tenir debout. Des pans de mur manquaient à certaines maisons tandis que, pour d'autres, c'était le toit qui manquait entièrement.

- A quoi servent ces maisons ? demanda Wood.
- Ca ? Ce sont les logements officiels des Gardiens.
- Euh... C'est une blague ?
- Non. Mais au moins, il n'y a pas de problèmes d'aération. Bon, c'est vrai que l'eau se fait plus rare, donc il faut bien prévoir les seaux les jours de pluie. En même temps, ajouta-t-il en esquissant un sourire, ils ne vont pas se prendre la tête pour loger les 'chargés d'entretien' de manière à ce que tout le monde continue à croire que nous ne faisons que ça.

Wood hésitait quant à savoir si AxeMan était sérieux ou non. Cela paraissait un peu gros, mais il disait ça avec un ton extrêmement sérieux. Wood commença donc à envisager d'accepter la proposition de l'hôtelier.
Ils tournèrent sur leur gauche et entrèrent dans une rue menant sur une place où les maisons étaient en pierre et avait un aspect neuf et au milieu de laquelle se trouvait un bâtiment assez imposant. Le bâtiment semblait être en marbre et, au milieu de la façade, se trouvait une immense porte double en bois sous un prolongement du toit soutenu par deux imposantes colonnes, elles aussi en marbre. De chaque côté de la porte s'ouvraient une demi-douzaine de fenêtre le long du mur.

- Le quartier général des Gardiens, annonça AxeMan.
- Et personne ne vient jusqu'ici ?
- Non... enfin si, mais nous sommes dans une zone interdite, si tu vois ce que je veux dire.
- Le lancer d'Amnésie est autorisé, donc. Et ces maisons ? demanda Wood en regardant les maisons le long de la rue où ils se trouvaient.
- Les logements officieux des Gardiens, dit AxeMan, ce qui eut pour effet de rassurer Wood. Bon, ajouta-t-il en ouvrant la porte de ce qu’il avait désigné comme le quartier général, pour commencer, petit tour du propriétaire.

Ils pénétrèrent dans le hall d'entrée du bâtiment. Celui-ci était vaste et quatre portes s'y ouvraient. Deux sur le mur de gauche et deux sur celui de droite. En face, une quinzaine de mètres plus loin, se trouvait une fenêtre. Ils allèrent dans un couloir sur leur gauche, en passant par la porte la plus proche de l'entrée. Dans ce couloir d'une vingtaine de mètres s'alignaient six portes sur la gauche et une seule sur la droite, au milieu du couloir et on retrouvait une fenêtre au fond du couloir.

-Sur la gauche, tu as les cabinets de travail, explique AxeMan en ouvrant une des portes.

Derrière cette porte se trouvait une pièce de taille réduite dans laquelle, en son centre, se trouvait un pupitre. Une unique fenêtre s'ouvrait dans la pièce et contre le mur se trouvait une étagère contenant des manuels comme Réparation et entretien de parchemin. Une femme blonde se trouvait dans la pièce et était penchée sur son pupitre. Quand AxeMan ouvrit la porte, elle se retourna brusquement.

- Bon sang AxeMan, dit-elle avec colère, tu ne vois pas que je travaille ?
- Désolé Whyte, je fais visiter les locaux au nouveau.
- Et tu es obligé de m'interrompre pour ça ?
- Je n'avais aucune idée que tu étais là. Nous possédons onze cabinets de travail, le jour vient à peine de se lever ; tu peux reconnaître que les chances que tu te trouves dans celui-là étaient faibles.
- C'est bon, l'arrêta Whyte, puis en se tournant vers Wood. Bienvenue parmi nous, dit-elle en tendant la main.
- Merci, répondit Wood en lui serrant la main.
- J'espère que tu t'habitueras au lieu et que tu t'y sentiras chez toi. Mais pas trop, lança-t-elle en regardant dans la direction de AxeMan qui leva les yeux vers le plafond.
- J'essaierai.
- Bien, maintenant, si vous le permettez tous les deux, je retourne à mon travail, dit-elle en fermant la porte.
- Que penses-tu de ton premier contact avec un Gardien ? demanda AxeMan en souriant alors qu'ils reprenaient la visite en continuant d'avancer dans le corridor.
- Elle a l'air plutôt stricte, non ?
- On peut le dire.
- Et un peu sur les nerfs...
- Elle s'énerve pour un rien, dit AxeMan d’un ton léger.
- Et que voulait-elle dire par « ne pas me sentir trop chez moi » ?
- Oh... Tu comprendras assez rapidement, je pense... dit AxeMan avec un léger sourire. Bon, je ne sais pas si tu as eu le temps de voir, mais dans les cabinets de travail, tu as tous les ouvrages nécessaires pour pouvoir entretenir et restaurer les parchemins. La place n'est pas ce qu'il y a le plus, mais tu t'y feras.
- J'ai vu ça. Mais comment pourrais-je m'entraîner à lancer ces sorts ? Je ne les connais pas et je ne pense pas les maîtriser du premier coup.
- Tu peux toujours t'entraîner sur un parchemin de brouillon. Tu l'écris toi-même, tu le déchires un peu, et tu essayes d'en faire un joyau de bibliothèque.
- D'accord.
- Mais ne l’emporte pas dans le Dôme, même si c’est vraiment un joyau… Whyte risquerait de ne pas apprécier. Bon, ajouta AxeMan en s'arrêtant devant l'unique porte se trouvant à droite dans le couloir, derrière cette porte se trouve la salle d'entraînement. Tu pourras t'entraîner sur des mannequins, mais le mieux reste de trouver un partenaire et de vous combattre dans une Cage de l'esprit.

AxeMan ouvrit la porte et entra dans une salle aux dimensions énormes. Au fond de la salle, se trouvait une rangée de mannequins. Entre eux et les mannequins, il n'y avait rien sauf, Wood s'en aperçut, une lueur bleue de temps à autre.

- Vous avez des Cages de l'esprit permanentes ?
- Oui. Deux, en fait. Il est assez difficile d'en créer une, alors on évite de devoir le faire trop souvent... sauf en période de recrutement.
- Je m'en doute...
- Enfin bon, le nombre de candidats est assez limité...
-Ah ?
- Oui, on ne court pas dans la rue en criant à qui veut l'entendre que l'on recrute. C'est plus ciblé vers les personnes que nous jugeons intéressées par le Dôme, qui reste notre principale activité. Bon, on continue la visite.

AxeMan sortit par la deuxième porte de la salle, qui se trouvait sur leur droite par rapport à l'endroit où ils étaient rentrés. Ils débouchèrent dans le hall d'entrée. AxeMan rentra dans la salle qui se trouvait en face de lui. Lui et Wood entrèrent dans une salle à peu près aussi grande que la salle d'entraînement, mais dans laquelle se trouvait un grand nombre de tables ainsi qu'un panneau d'affichage sur un des murs sur lequel était accrochée différents papiers.

- Bienvenue dans la salle de détente. Bon, elle ne sert pas qu'à ça, mais c'est une de ses utilités. On se retrouve ici pour discuter un peu, demander des conseils par rapports aux types de restauration à appliquer aux livres, et ce genre de choses... On y trouve de tout : tables, panneau d'affichages, pensine, bièraubeurre, café...
- Et la liste accrochée au panneau ? demanda Wood qui s'en était approché.
- La liste des parchemins dont l'entretien ne peut plus attendre. Elle est censée se mettre à jour toute seule en fonction de l'état des manuscrits, mais le sort lancé n'est pas des plus performants, donc on fait ça à la main... Une autre liste sert à indiquer les parchemins que l'on a restauré et une autre sert à savoir quels livres se trouvent à l'accès du public et lesquels se trouvent dans la réserve.
- Et cette salle sert beaucoup ?
- Assez. De temps en temps, certains membres du Conseil viennent ici pour discuter un peu avec nous.
- En même temps, si j'ai bien compris, les Gardiens protègent le Temple, non ?
- Oui, en effet. Mais si tu me demandes, je suis sûr que c'est notre café qui est meilleur que le leur.
- Tu es sérieux là ?
- Non, pourquoi ? Bon, allez, suite de la visite.

Ils sortirent par la porte située à leur droite et débouchèrent dans le couloir à droite du hall d'entrée. Le couloir dans lequel ils se trouvaient était l’exacte symétrie de celui par lequel ils avaient commencé la visite.

- Encore des cabinets de travail ? demande Wood.
- Oui.
- Mais, ça en fait treize en tout. Tout à l'heure, tu as parlé de onze cabinets de travail.
-Ah oui. La porte au fond à droite, ce sont les toilettes, c'est toujours utile à savoir. Si tu veux voir, dit AxeMan en partant dans cette direction.

A mi-chemin, la porte des toilettes s'ouvrit et un tigre en sortit. C'était le même tigre que Wood avait vu lorsqu'il consultait les parchemins du Dôme. Wood se figea sur place en essayant d'assimiler ce qu'il venait de voir.

- Ah, de nouveau un Gardien, fit AxeMan qui semblait trouver le fait de voir un tigre sortir des toilettes tout à fait normal. Wood, je te présente Félix. Félix, je te présente Wood.

Le tigre leva la tête et regarda Wood, puis leva une de ses pattes.

- Euh... fit Wood. Qu'est-ce qu'il fait ?
- Tu n'as jamais serré la main à quelqu'un ?
- Eh bien... jamais à un tigre, à parler franchement, dit Wood en serrant néanmoins la patte du tigre.
- Oh, Félix n'est pas un tigre.
- Il y ressemble beaucoup en tout cas...
- C'est un animagus. Mais il préfère vivre sous forme de tigre. Très peu de personnes l'ont déjà vu sous forme humaine. Je crois que les membres du Temple ne l'ont jamais vu en humain.

Félix acquiesça d'un signe de tête, puis continua à avancer le long du couloir.

- Mais, il aide pour l'entretien des manuscrits ?
- Oui, mais tu le verras rarement sous forme humaine, même si tu ouvres la porte du cabinet où il est en train de travailler. 
- Il travaille sous forme de tigre ?
- Non, bien sûr que non. Mais il semble avoir développé une sorte de sixième sens qui l'avertit quand quelqu'un arrive pour le voir, ou même quand quelqu'un arrive à l'endroit où il se trouve. De fait, il se transforme toujours en tigre avant qu'on ne le voie.

La visite des locaux se termina peu de temps après, les toilettes n'ayant rien de passionnant car, comme le fit remarquer Wood à un AxeMan sur le point d'éclater de rire, il savait déjà utiliser des toilettes. Ils retournèrent dans la salle de détente. Wood s'approcha de panneau d'affichage et parcouru une des listes du doigt.

- Pour ta maison, je pense que l'on peut t'attribuer la numéro neuf. Tu y trouveras la garde-robe du Gardien : robes rouges et capes noires. Le tout avec capuche.
- Très bien.
- Bon, maintenant, il faut attendre un peu.
- Pourquoi ?
- Il faut que l'on t'apprenne le sort qui te permet de copier les manuscrits dans le Dôme, et ça, ce n'est pas à moi de le faire. Pas que je n'en sois pas capable, mais c'est comme ça... De plus, il adore faire son numéro aux nouveaux…
- Et qui doit le faire ?
- Le Fondateur.
- Le... le Fondateur ? Tu veux dire... celui qui a fondé l'Empire ?


dimanche 12 avril 2009

GdO 1 - La Cage de l'Esprit

Chapitre 5

La Cage de l'Esprit

Le lendemain, malgré les craintes de Wood que le policier et le groupe des autres puissent tenter de s'en prendre à lui, la journée se passa sans histoire notable. Il passa devant le commissariat et vit le policier avec qui il s'était battu la veille et celui-ci ne sembla pas le reconnaître. Il semblait que l'effacement de mémoire effectué par AxeMan avait été efficace. 

Du moins, il était quasiment sûr que la personne qu'il avait vue dans le parc était bien AxeMan et qu'il faisait parti de l'équipe d'entretien des livres du Dôme. Mais si c'était le cas, pourquoi agissait-il comme une sorte de justicier masqué la nuit ? se demanda Wood tout en observant le policier de la veille qui discutait avec une plaignante à l'intérieur de commissariat. Pourquoi ne pas avoir livré ce policier à la police pour ce qu'il avait fait ? Et puis, s'il avait réellement eu connaissance du guet-apens dans lequel un des habitants était tombé la veille, pourquoi n'avait-il pas cherché à avertir cette personne avant plutôt que de vouloir arriver pendant le combat ? Et d'ailleurs, comment a-t-il pu savoir que cela allait avoir lieu s'il n'était pas de mèche avec le policier ?

- Excusez-moi monsieur ?

Et puis il y avait ce rendez-vous qu'il lui avait donné. Si AxeMan faisait partie de ce groupe, il aurait très certainement fait ce qu'il aurait fallu la veille dans le parc pour l'empêcher de parler, mais Wood ne pouvait s'empêcher de penser que cela pouvait être un piège. Peut-être parce qu’il ne voyait pas vraiment où tout ça pouvait le mener…

- Monsieur ?

La question finit par atteindre son cerveau qui lui indiqua que la question lui était destinée et Wood sortit de ses pensées et regarda autour de lui. Devant lui se trouvait un policier qui venait de sortir du commissariat.

- Euh... oui ? répondit Wood en reprenant ses esprits.
- Vous êtes immobile devant le commissariat depuis dix bonnes minutes. Vous avez une plainte à formuler ? demanda le policier d'un ton à moitié anxieux envers une personne qui lui semblait avoir été victime d'une Confusion.
- Hein ? Euh, non. Je... j'étais venu... euh... remercier le policier qui avait arrêté une personne qui avait tenté de m'agresser dans une ruelle il y a quelques jours.
- Ah, dit le policier. Nous avons eu énormément de tels cas durant les deux dernières semaines.
- Dans ce cas, remerciez tout le monde de la part d'un habitant satisfait.
- Très bien, répondit le policier qui ne semblait toujours pas sûr de ne pas avoir affaire à la victime d’une Confusion. Vous devez être le seul à venir nous remercier pour cela après ces deux semaines, la plupart des gens nous tenant pour responsable de ce qu'il s'est passé et de tous les débordements.

Une fois le policier retourné dans le commissariat, Wood partit le long d'une route presque déserte du fait qu'à cette heure-là, la plupart des gens se trouvait à leur travail. Il s'était promis de se mettre à la recherche d'un travail, justement, mais il avait d'autres soucis en tête et surtout, il avait d'autres questions en tête.
Durant l'après-midi, il passa devant la place Est en se rendant au Dôme. Il y aperçut Tolmok qui discutait avec un groupe de trois personnes, les derniers irréductibles des remous des deux semaines précédentes. Le Dôme, quant à lui, était vide. Une des choses qui n'avait pas changé. Cela était peut-être dû à l'heure, mais l'endroit, ainsi vide, semblait émettre une impression de sérénité qui ne parvint pas totalement à calmer l’inquiétude de Wood.
Quand le soir arriva, il redescendit du plateau afin de se rendre à la taverne. Le soleil couchant illuminait le ciel d’une teinte de sang et, sur la descente, il croisa un homme habillé d'une robe blanche qui montait et il l'entendit maugréer contre le nouveau sort d’anti-transplanage. Wood pensa reconnaître le porte-parole du Temple en apercevant le bouc qu'il arborait.
En arrivant au bas du plateau, il vit une petite foule qui sortait de la place Est et qui se séparait. La majorité repartait vers les quartiers résidentiels et les autres partaient vers le quartier marchand, sans aucun doute vers la taverne. Wood suivit ces derniers de loin, sans se presser, et arriva à la taverne qui était bondée. Au milieu de la salle, deux personnes, apparemment ivres, se battaient avec leurs mains sous les cris d'encouragement d'une grande partie des clients qui formaient un cercle autour des deux hommes qui se battaient tandis que plusieurs personnes semblaient s’occuper de récolter des paris. Wood contourna l'arène improvisée et se dirigea vers le comptoir.

- Qu'est-ce que j'vous sers ? lui demanda d'emblée le tavernier d’une voix forte pour se faire entendre par-dessus le bruit ambiant de la salle.
- Rien pour l'instant, répondit Wood. J'ai...

Il s'interrompit lorsqu'un jet de lumière rouge heurta le comptoir à quelques centimètres de sa jambe droite. Apparemment, ils avaient pensé à utiliser leurs baguettes.

- Ca ne vous dérange pas, tout ça ? demanda Wood en montrant du pouce l'arène par-dessus son épaule.
- A force, j'ai l'habitude, répondit le tavernier et écartant une mèche de cheveux de ses yeux. Il n'y a jamais eu besoin de faire intervenir la police ou d'appeler l'hôpital.
- Je vois. J'ai rendez-vous avec quelqu'un dans un de vos salons.
- Hmm, quel numéro ?
- Le onze, il me semble.
- Dans ce cas, vous prenez ce couloir, indiqua le tavernier en pointant vers une porte au fond de la salle. Sixième porte à droite.
- Merci.

Wood passa la porte indiquée qui débouchait sur un très long couloir aux murs rouges, tellement long qu’il lui semblait ne pas en distinguer le fond. De chaque côté, un série de portes espacées de quelques mètres. Quand il ouvrit la porte sur laquelle ne nombre onze était gravé, il trouva AxeMan assit à une table ronde, au milieu d'une salle carrée qui, en ajoutant les deux chaises, ne contenait pas d’autre mobilier.

- Ah, dit celui-ci sans se lever. Asseyez-vous.

Wood ferma la porte et prit la seconde chaise et s'assit dessus, en face d'AxeMan. Entre eux se trouvait la table de bois sur laquelle trônait deux verres et une bouteille d'hydromel.

- Vous voulez un verre ? demanda AxeMan en en remplissant un des deux.
- Je veux bien, répondit Wood en fronçant les sourcils face à la décontraction apparente de son interlocuteur.
- Eh bien, dans ce cas, à votre santé, dit AxeMan en levant son verre après avoir rempli le second. Vous n’êtes pas étonné de me voir, à ce qu’il semble.
- Pourquoi m'avoir demandé de venir ici ? demanda Wood sans toucher à son verre et sans prendre en compte la dernière remarque.
- Tout d'abord, dit AxeMan d'un ton calme, il y est beaucoup plus sûr de parler de sujets sensibles à l'abri d'oreilles indiscrètes.
- Et sinon ?
- Pour te proposer un travail.
- Lequel ? demanda Wood en haussant les sourcils. Chasser les détrousseurs la nuit en jouant au vengeur masqué et sans avertir personne qu'un des policiers est une personne qui se sert de son métier pour tromper les gens et leur tendre des pièges ?
- Non, répondit simplement AxeMan.
- Alors quoi ? C'est bien à cause de ça que nous sommes ici, non ?
- Cela t'intéresserait-il de restaurer les livres du Dôme ?
- Pardon ? Tout ce secret pour me proposer ce travail ?
- Oui ou non ? demanda AxeMan d'un ton autoritaire.
- Eh bien... commença Wood, ne sachant pas vraiment comment comprendre tout ça. Je dois avouer que c'est le métier qui m'aurait le plus intéressé pour l'instant, mais...
- Oui ou non ? répéta lentement AxeMan en insistant sur chaque mot.
- Oui, répondit Wood en soupirant.
- Très bien, dit AxeMan en se détendant à nouveau. Je suppose que tu aimerais savoir en quoi consiste ce travail avant de te prononcer plus ?
- C'est une bonne idée, grommela Wood en buvant une gorgée d'hydromel sans s’empêcher de penser que les détails auraient dû venir avant.
- Eh bien, c'est très simple, notre métier consiste à réparer tous les dégâts réparables que subissent les livres et parchemins du Dôme. Cela peut provenir de différentes sources. Le temps, un lecteur négligent, une dispute inopinée au milieu des livres...
- C'est tout ?
- Non, quelques fois, nous sommes envoyés hors de l'Empire pour rechercher des exemplaires de livres qui ont subi des dégâts qu'aucun sort ne pourra réparer. Dernièrement, l'un d'entre nous était parti recherché un livre... il n'est jamais revenu. Nous sommes les Gardiens. Les Gardiens du Dôme.
- Je vois.
- Donc, quel est ton choix ?
- Je... il y a d'autres questions que...
- Nous verrons cela plus tard, coupa AxeMan de nouveau autoritaire.
- Dans ce cas, je... suis d'accord.
- Très bien, dit AxeMan en sortant sa baguette.

Pendant près d'une minute il pointa les murs de la salle avec sa baguette en marmonnant à voix basse. Wood tenta de comprendre la formule qu’il prononçait, mais il parlait beaucoup trop bas pour cela. Finalement, les murs brillèrent d'une lueur bleutée qui s'éteint aussitôt pour réapparaître de manière régulière. Wood eut une impression étrange, comme s'il était séparé de lui-même.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Wood.
- Insonorisation de la salle, répondit AxeMan en rangeant sa baguette. 
- Il y a des sorts beaucoup plus courts pour ça, fit remarquer Wood.
- En effet, mais beaucoup trop facilement cassables. Ce que nous allons dire ne doit être entendu par personne d’autre.
- Je suppose que ça va être à propos de la vraie raison de ma venue ?
- Si on veut. Disons que je vais te présenter la deuxième fonction des Gardiens, et de nombreuses personnes aimeraient posséder certains des droits qu'impliquent cette fonction.

Wood ne dit rien et se contenta de boire une gorgée d'hydromel en regardant AxeMan, les sourcils froncés.

- Nous ne sommes pas seulement les Gardiens du Dôme, nous avons pour mission de... surveiller le parc autour du Temple. Toute personne trouvée en train de se promener hors des limites autorisées doit subir une Amnésie et être ramenée au niveau du Dôme.
- Pourquoi m’annoncer ça d’emblée ? s’étonna Wood.
- Adepte des mystères, pas vrai ? sourit AxeMan. Mais à quoi bon le garder, tu serais mis au courant bien assez vite et ta décision doit être prise en toute connaissance de cause.
- Hmm… Surveiller le parc, hein ? Ca ne doit pas être si difficile que ça.
- Je ne sais pas si tu as vu le parc du Temple. Repérer quelqu'un parmi les arbres est loin d'être facile.
- Mais pourquoi une Amnésie ?
- Les alentours du Temple doivent rester inconnus à la plupart des gens. Le bâtiment en lui-même est impénétrable pour ceux qui n'y sont pas autorisés, mais il faut en interdire l'approche aux gens. Et, en ce qui nous concerne, il faut garder l'anonymat par rapport à nos fonctions envers les gens, également.
- Pourquoi cela ?
- Aux yeux du peuple, nous sommes des « chargés d'entretien » et la plupart d'entre eux nous méprisent ouvertement, au niveau de nos pouvoirs magique prétendument faibles qui ne nous auraient pas permis de faire un autre travail. Et cela doit rester ainsi en cas de soulèvement et de marche sur le Temple, afin de conserver un effet de surprise. Personne ne s'imaginerait que nous puissions protéger le Temple.
- Mais pourtant, l'Alchimiste le savait, n'est-ce pas ?
- Il se doutait de quelque chose, en effet, admit AxeMan. Il avait été témoin de l'une de nos interventions nocturnes et, comme toi, a fait le lien. Malheureusement, il avait tendance à agir de manière un peu impulsive.
- C'est-à-dire ?
- Le jour où tu as surpris cette discussion, sa vitrine avait été brisée à l'aide d'une pierre explosive. 
- Je sais, j'en ai presque été le témoin.
- Sitôt averti, l'Alchimiste a décidé de se faire justice lui-même et a envoyé le coupable, âgé de quinze ans, à l'hôpital. De ce que j’en sais, il a perdu l’usage de son bras droit.
- Je vois, dit Wood. Et les policiers étaient venus l'arrêter ?
- D'une certaine manière, on peut dire ça. Seulement, le Saigneur est plus impulsif que l'Alchimiste, et cela aurait pu mal tourner. Il a donc fallu que nous intervenions. Entre autre, ajouta-t-il avec un sourire, pour éviter des dégâts dans les livres, nous sommes tout de même chargés de leur entretien.
- Vous ve... commença Wood.
- Tu, s'il te plaît, l'interrompit AxeMan.
- Très bien, tu as mentionné des « interventions nocturnes ».
- C'est possible.
- En quoi cela consiste-t-il ?
- Simplement nous immiscer dans des... discussions tendues.
- Je dirais plutôt dans des agressions planifiées. Comment est-il possible que vous connaissiez ces agressions ?
- Eh bien, nous... il nous arrive d'entendre des discussions dans le Dôme et d'agir en conséquence.
- Je vois, dit Wood pas entièrement convaincu.
- Ce qu'il te faut savoir, c'est que la fonction de notre métier que je viens de te présenter n'est pas obligatoire. As-tu d'autres questions ?
- Le policier d'hier soir, pourquoi ne pas l'avoir livré à la police ?
- Tout d'abord, comme je l'ai déjà dit, il nous faut rester discret et faire en sorte que les gens ne savent pas qui nous sommes, et un policier hors limite serait très médiatisé ainsi que la personne l’ayant livré. Ensuite, après les évènements de ces dernières semaines, tu imagines les conséquences que cela aurait si on annonçait qu'un policier, même s'il est isolé, se met à détrousser des habitants.
- Etant donné les réactions sans preuve, la moindre preuve aurait créé un réel soulèvement, répondit Wood en hochant la tête.
- Tout à fait, acquiesça AxeMan. Es-tu toujours d'accord pour nous rejoindre ?
- J’ai une autre question. Pourquoi moi ? Je viens à peine d’arriver.
- Ce qui nous convient tout à fait. Personne ne te connaît. Tu n’as aucune attache dans l’Empire et il semblerait que tu n’en ais pas ailleurs non plus. Je me trompe ?
- Pardon ?
- Cela fait deux semaines que je t’observe plus ou moins. Tu es arrivé en période troublée. N’importe qui aurait été découragé et serait déjà reparti. Pas toi. Pourquoi ? Tu n’as pas d’attaches dans l’Empire, tu me l’as dit toi-même. La vérité, c’est que tu n’as aucun autre endroit où aller. La raison m’importe peu, si c’est ce que tu te demandes. Ce qui importe, c’est que tu sois là.
- Pas de contact, résuma Wood. Les gens ne savent rien de moi. Une bonne occasion de me faire passer pour quelqu’un qui ne sait pas utiliser sa baguette…
- En effet, acquiesça AxeMan. Et donc, ta réponse ?

Wood but le fond de son verre en réfléchissant. Tout ce qu'avait dit AxeMan ne l'avait pas totalement convaincu, mais cela apportait un élément de réponse à un certain nombre de ses questions. Il hocha la tête pour indiquer qu'il acceptait.

- Eh bien dans ce cas, dit AxeMan en souriant, nous nous reverrons demain matin.

Wood se leva et serra la main que lui tendait AxeMan et se dirigea vers la porte. Il essaya de l'ouvrir, mais elle ne s'ouvrit pas.

- La porte est f..., dit-il en se tournant vers AxeMan, puis s'interrompit brusquement.

AxeMan était debout et sa baguette était pointée sur lui.

- Qu'est-ce que- ?

Pour toute réponse, un éclair rouge sortit de sa baguette et lui fonça dessus, mais il parvint à l'éviter en sautant sur le côté. Il sortit sa propre baguette tout en se demandant ce qu'il se passait alors que le sort faisait sauter un morceau de mur. Il avait l'impression d'être tombé dans un piège, mais se demandait pourquoi il avait attendu pour l'attaquer. Il ne savait pas vraiment ce qu'il convenait de faire et essaya de se concentrer sur le fait de désarmer AxeMan et lança donc un Désarmement que celui-ci arrêta d'un simple mouvement de baguette.
AxeMan fit quelques pas sur le côté afin de ne plus être gêné par la table puis renvoya le même sortilège que précédemment que Wood arrêta à l'aide d'un Bouclier.

- Bien, dit AxeMan.
- Quoi ?!? s'exclama Wood qui comprenait de moins en moins ce qu'il se passait.
- Il me semble que les sortilèges mineurs ne te posent aucun problème, répondit AxeMan en lançant de nouveau le sortilège que Wood bloqua une nouvelle fois.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? cria Wood.
- Cela ne se voit-il pas ? dit AxeMan alors qu'un sortilège d'Entrave sortait de sa baguette. Je t'attaque.

Wood évita le sort en se déplaçant sur le côté et le sort alla creuser un deuxième trou dans le mur. Il commença à se déplacer de manière à mettre la table entre lui et AxeMan.

- Je le vois, répondit Wood d'un ton sarcastique.
- Eh bien, pourquoi demander dans ce cas ?
- Mais... pourquoi ? demanda Wood en lançant un autre Désarmement sur AxeMan.
- Arrête donc de parler tout le temps et concentre-toi sur le combat, dit AxeMan tout en évitant le sort.

A ce moment, la table se trouvait exactement entre AxeMan et Wood. Ce dernier lança une Répulsion dessus et la table fonça droit sur AxeMan qui ne put l'éviter et qui tomba sur le sol en recevant la table dans le ventre, celle-ci se brisant sous le choc. Alors qu'il était à terre, il envoya à son tour un sort de Répulsion, mais directement sur son adversaire qui vola à travers la pièce pour atterrir dans le mur, puis tomber à terre, passablement assommé, des morceaux de murs lui tombant dessus.
Wood leva la tête pour regarder dans la direction de AxeMan. Celui-ci était déjà debout et avait la baguette pointée droit sur lui. Un nouveau sort sortit de celle-ci et Wood ne l'évita qu'en roulant sur le sol, laissant un trou de bonne taille à l'endroit où le sort toucha le sol. Il semblait que AxeMan avait décidé s'utiliser des sorts plus puissants.

- Il y avait de l'idée, dit celui-ci en envoyant un autre sort qui toucha Wood à la jambe droite alors que celui-ci se relevait.

La jambe touchée s'enflamma et Wood retomba au sol et celui-ci dut l'éteindre rapidement à l'aide d'un sort d'eau.

- Mais, arrête ! cria Wood et tentant de se relever malgré la douleur qu'il ressentait à la jambe.

Pour toute réponse AxeMan lança une nouvelle Combustion sur Wood qui l'évita en se laissant à nouveau tomber sur le sol.

- Arrête, répéta Wood. 

AxeMan se mit à marcher vers Wood, la baguette levée.

- IMPERO ! cria Wood.

AxeMan s'arrêta sur place, le regard vide.

- Arrête ça immédiatement ! dit Wood à AxeMan en se relevant.

Ce dernier sembla hésiter un instant, mais ne dit rien et resta où il était. Wood alla s'asseoir sur une des chaises afin d'examiner sa jambe brûlée. Alors qu'il commençait à regarder l'étendue des dégâts, une autre Combustion le toucha au bras gauche et le fit tomber du siège à la renverse tandis que celui-ci commençait à s'enflammer ; il semblait que AxeMan était parvenu à vaincre l’Impérium. Il était toujours debout, la baguette levée droit vers Wood.

- Que- ? s'exclama Wood tout en essayant de récupérer sa baguette qui avait roulé au sol.
- Il en faut simplement plus pour m'arrêter, répondit AxeMan, alors que Wood venait de récupérer sa baguette et éteignait le feu qui s'était étendu à l'intégralité de son bras gauche.

Malgré la douleur engendrée par les brûlures, Wood parvint à pointer sa baguette vers AxeMan et à lancer une Déflagration. AxeMan l'arrêta, mais le sort explosa tout de même et brûla légèrement celui-ci au niveau du visage. En réponse, il envoya un sort qui l'envoya voler dans le mur le plus proche, sa baguette sur le sol.
A moitié assommé, Wood ne put que regarder AxeMan faire des mouvements avec sa baguette tout en récitant une formule que Wood ne put entendre, puis la silhouette d'une hache apparut au bout de la baguette de AxeMan. Celui-ci pointa sa baguette vers Wood et la hache fondit sur lui. Au moment où elle entra en contact avec lui, il perdit connaissance et tout devint noir.

Quand il se réveilla, il vit AxeMan assit à la table qu'il avait certainement réparée entre-temps. Celui-ci observait Wood.

- Ah, tu te réveilles, dit-il d'un ton jovial quand Wood ouvrit les yeux. Tu veux boire un peu ?
- Qu'est-ce que c'est que cette connerie ? gronda Wood en s'appuyant sur son coude.
- Un simple test, afin de t'évaluer, répondit simplement AxeMan.
- Mais... tu aurais pu me tuer !
- En fait, c’est le cas, dit AxeMan en haussant les épaules. Je t’ai tué. Mais bon, je ne t'ai même pas blessé, donc ça ira.

Wood ne comprit pas tout de suite ce que AxeMan pouvait vouloir dire et il examina son bras et sa jambe et s’aperçut avec stupéfaction que ceux-ci ne portaient aucune trace de brûlure. Il se rappelait aussi le dernier sort utilisé par AxeMan.

- Mais, pourtant..., commença Wood en pensant en lui-même qui la hache qu'il avait reçu à la poitrine aurait sûrement due le tuer.
- La Cage de l'Esprit, dit simplement AxeMan.
- Pardon ?
- C'est le sort que j'avais lancé sur la salle tout à l'heure, expliqua AxeMan. Un sort intéressant. Toute personne à l’intérieur d’une cage ne subit qu’une illusion des dégâts…
- Ils étaient pourtant bien présents.
- Oui. Mais une fois le sort de la Cage levé, ou une fois que la personne sort de la Cage, tous les effets des sorts qu’elle a pus recevoir dans la Cage disparaissent. Et cela s'applique à toute personne se trouvant dedans, comme le lanceur du sort.
- Je n'en avais jamais entendu parler.
- Ce sort n'est connu que de très rares personnes, parmi lesquelles les Gardiens et le Temple.
- Mais à quoi sert-il ?
- Comme tu viens de le voir, il peut servir lors de certains combats, comme par exemple lors d'entraînement, afin de pouvoir ne pas avoir à se retenir, si tu vois ce que je veux dire, ajouta AxeMan avec un léger sourire.
- Mais, si la personne meurt ? La mort n'est pas une simple douleur.
- Les seules manières de mourir dans une Cage de l'esprit est de mourir de vieillesse, de maladie, ou de blessures infligées à l'extérieur de la Cage. Dans tous les autres cas, les combats seront non-mortels à l'intérieur de l'une d'entre elle, juste… assommants. Tu es toi-même mort, tout à l’heure et pourtant, tu te portes bien, non ? ajouta-t-il avec un sourire
- Je vois. Et à quoi cela t'a-t-il servi ?
- Tester la manière dont tu réagis dans un combat auquel tu n'es pas préparé.
- Je ne peux m'empêcher de penser que la méthode est violente.
- Peut-être un peu, en effet. Mais si on t'attaque, on ne va pas toujours te prévenir.
- Mouais... et quelles sont tes conclusions ?
- Eh bien, le fait que tu te souviennes de la raison de ta présence ici prouve que je suis assez satisfait de ta performance.
- Vraiment ?
- Oui. Sinon, une Amnésie aurait effacé tout souvenir quant à la fonction secondaire des Gardiens. La seule chose que je pourrais te reprocher est que tu te plaçais trop dans une situation de défense, mis à part ton coup avec la table. Ca m'a un peu surpris sur le coup.
- Vraiment ? dit Wood qui ne savait toujours pas comment réagir.
- En fait, c'était surtout pour la bouteille posée dessus. Mais j'ai réussi à la rattraper avant qu'elle ne tombe.
- Tu n'as pas envie de payer une bouteille que tu n'aurais pas bue, je suppose.
- En effet. Sinon, j'ai remarqué que tu as utilisé l'Impérium...
- Dans un seul but de défense et ce, pour te faire arrêter le combat.
- Utilises-tu ce sort dans d'autres circonstances ?
- Non. Dans la plupart des combats, cela suffit à en marquer la fin. Et le faire pour d’autres raisons ne me parait pas... justifiable.
- Bien. J'ai aussi remarqué que tu n'as pas paniqué lorsque je t'ai touché avec les Combustions.
- C'est-à-dire ?
- La plupart des personnes se mettent à hurler sans penser à éteindre le feu et celui-ci se propage...
- Et tout ceci t'a décidé de m'accepter, si j'ai bien compris ?
- Oui. Tu es sûr que tu ne veux pas boire un peu ? Le combat a dû t'épuiser...
- Non merci. Je pense que je vais aller me reposer un peu.
- Comme tu veux. Le rendez-vous dans le Dôme tient toujours.
- J'y serai.

Wood s'approcha de la porte et marqua une légère hésitation au moment de l'ouvrir.

- Ne t'en fait pas, elle est ouverte. Un combat par jour, ça suffit grandement.
- On ne sait jamais.
- Refaire deux fois le même piège ne serais pas très malin. La preuve, tu t'attends à ce qu'il soit là.
- D'accord. A demain.
- A demain.